Homélie du 1er dimanche de Carême

Lectures du jour

Tous les évangiles ne parlent pas de la même manière des tentations de Jésus au désert. Marc, que nous avons entendu, ne détaille pas les trois tentations. Nous voilà dispensés de chercher à comprendre comment le mal vient des envies qui nous travaillent. Le tentateur aurait essayé de les rendre pressantes à l’attention de Jésus et Jésus aurait argumenté en puisant dans la parole de Dieu. L’important est bien de dire comment Jésus est plus fort que ces tentations. L’important est d’en tirer un enseignement pour nous également. Nous entendions avant cela deux autres lectures : une qui renvoyait à la fidélité de Noé, le juste, sur qui Dieu compta pour sauver les êtres vivants, salut dont l’arc-en-ciel est le signe. C’est le signe d’une nouvelle alliance où l’harmonie est rétablie, une victoire que dit aussi le baptême, faisait comprendre saint Paul, dans la seconde lecture, la reliant à la victoire de Jésus ressuscité.

Comment Jésus est vainqueur du mal ? Ce qui se passe au désert est le même combat que celui qu’il mène quand il libère les hommes tourmentés par des esprits mauvais, ou encore quand lui-même nous sauve par sa passion et sa résurrection. En détaillant et analysant les tentations, on pourrait se donner une illusion. Être assez malin pour avoir la réplique correcte face au tentateur. Illusion. Même si Jésus dit, comme le mentionne les autres évangiles, une parole de l’Ecriture pertinente, il faut encore dire la force même de ce qu’elle est comme parole venant de Dieu, la manière dont lui, Jésus, a foi en son Père. Cela veut dire que si nous sommes tentés dans notre vie, il ne faut pas croire se sauver soi-même par les belles idées que nous pourrions trouver pour contrer les idées d’un conseiller pernicieux, d’un tentateur. Les envies, les passions, les jalousies, ce qui nous sépare de Dieu n’a rien de rationnel, de réfléchi. Les tentations qui nous tombent dessus viennent de limites inhérentes à la condition humaine. La vie nous confronte à l’incertitude du lendemain, aux autres qui peuvent être alliés ou concurrents, qui peuvent être pleins d’une attention qui nous porte ou bien d’une indifférence qui nous meurtrit. Comment réagissons-nous ? Cela dépend de ce qui nous passe par le cœur, et l’évangile, en disant la victoire de Jésus, signale une victoire de la paix, de l’harmonie, au-delà de ce qui avait pu provoquer un déluge.

La présence de Dieu, la force de son Esprit peut nous libérer. L’Évangile fait rejoindre la résurrection, la victoire mais il y a des rayons de cette victoire qui irradie chaque chapitre et celui-ci aussi. Jésus, vainqueur du mal, annonce déjà le matin de Pâques, la paix dans le désert avec les bêtes sauvages dit déjà un nouveau règne et Jésus l’annonce, c’est le royaume de Dieu qui se fait proche et il faut l’accueillir en se convertissant.

En ce temps de carême portons-nous les uns les autres dans les épreuves qui nous arrivent. Elles peuvent être aussi tentation, si nous sentons que nous lâchons la main que Dieu nous tend : c’est-à-dire si nous en oublions que Dieu, par son amour, se tient à nos côtés. Les épreuves font partie de la vie, et les tentations s’ajoutent pour dire ce que nous en faisons : plus loin de Dieu en pensant que c’est lui qui nous défie, qu’il n’est pas tant notre allié que cela, ou bien à l’inverse, dans la foi, en tenant bon, en recevant de lui force et soutien.

Le temps du carême, c’est l’occasion de nous offrir quelques marges de manœuvres pour mieux voir ce qui mène notre vie. Bien compris, ce serait comme des tentations en positif. Quand le tentateur nous ferait nous ruer sur la nourriture sans penser aux autres, ou nous vautrer dans la paresse ou la négligence, les exercices qui peuvent faire partie de notre carême, c’est une attention au partage par le jeûne, c’est un esprit éveillé à ce que nous pourrions faire de plus, le temps que nous pourrions disposer autrement pour mieux l’offrir et même y trouver de la paix. Remplissons notre carême de « tentations » de bien faire.

On pourrait imaginer un tentateur ricaner, en même temps que nous serions en train de nous faire un petit plaisir sans lendemain car le lendemain nous déchanterions quand des liens d’amitié, de solidarité par exemple se seraient distendus. Mais avec le carême, nous pouvons imaginer des rencontres plus joyeuses, des solidarités devenues plus fortes. L’évangile, recevons-le comme cette force qui nous fera vivre ces exercices parce que nous pourrons vivre cela déjà maintenant, avec Jésus, ressuscité. Je parle d’exercices : oui, parce que c’est comme un entraînement à la vie de disciples du ressuscité. Et à Pâques, nous retrouverons une force nouvelle : remerciant le Seigneur pour ce qu’il nous a déjà fait goûter des fruits de sa présence. En effet, sa résurrection aura trouvé dans nos vies le chemin pour venir renouveler tout ce qui peut l’être.