Nous avons entendu deux textes importants. Ces textes demandent à être relus dans la foi, c’est-à-dire en prenant le point de vue de Dieu, en nous rappelant ce qu’il attend de nous. C’est vraiment ce que demande d’abord la première lecture. Qu’est-ce que Dieu demande ? On pourrait le dire aussi avec Jésus. Un zèle, un amour pour Dieu peut vraiment nous renouveler. On entendra le décalogue mais ce n’est pas qu’un règlement. Car on l’entendait, Dieu se présente, il se rappelle à la mémoire de son peuple, il se rappelle à sa foi.
« Je suis le SEIGNEUR ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. » Ce verset constitue le prologue, et les commandements suivent ; ce rappel, qui prend la forme d’une présentation, justifie tout le reste, cela donne sens à tout ce que le Seigneur prescrit. C’est le fondement de la Loi en Israël et c’est son originalité. Même si le contenu peut paraître semblable à ce que d’autre peuples se donneront. Le fondement, c’est la libération d’Égypte. Israël sait pour toujours que le Dieu libérateur donne la Loi comme un chemin d’apprentissage de la liberté. C’est essentiel quand on entend de Dieu qu’il ne faut pas se faire d’idole mais qu’il faut adorer Dieu et nul autre. Ou encore à propos de cette autre demande, celle du sabbat : Dieu donne un temps, il libère un temps à l’homme pour que la foi ne soit pas annexée derrière le travail. Même s’il doit tirer son pain de son travail, celui qui se met dans les mains de Dieu se rappellera de rendre grâce, pour le Créateur sans qui il nous pourrait se nourrir.
Dieu dit qu’il est un Dieu jaloux. C’est comme la source d’une sagesse. Dieu est follement attaché à son peuple. Il l’aime d’un amour fidèle, il aime chacun dans ce peuple. Il sait que des idoles encombre les cœurs et font oublier ce qui est juste ? C’est contraire à la justice, à l’ordre qu’il y a dans la relation d’alliance entre Dieu et l’homme.
On peut lire chacun des commandements comme une entreprise de libération de l’homme, de la part de Dieu. Si vous préférez, c’est une méthode d’apprentissage de la liberté pour l’homme. C’est le sens, pour commencer de l’interdiction de l’idolâtrie : « Tu n’auras pas d’autres dieux que moi ». Et, tout au long de l’Ancien Testament, les prophètes, les uns après les autres, se feront les champions de la lutte contre toute idolâtrie. Et ils auront bien du mal.
Aujourd’hui encore, ils auraient bien du mal, peut-être ; parce que, finalement, la définition d’une idole, c’est ce qui nous occupe au point de faire de nous ses esclaves : ce peut être une secte, mais aussi l’argent, le sexe, une drogue ou une autre, la télévision, ou toute autre occupation qui finit par remplir le champ de nos pensées au point de nous faire oublier le reste.
Le point de vue de Dieu, le point de la foi et de la fidélité à Dieu se redit dans la scène de l’Évangile d’aujourd’hui qu’on appelle souvent la purification du temple.
La violence de Jésus est inattendue, ses paroles encore plus ! « Ne faites pas de la Maison de mon Père une maison de trafic »Et le reproche qu’il fait aux vendeurs laisse entendre qu’il se prend pour un prophète. Plus fort encore : Il ose dire « la maison de mon Père ». « Pour qui se prend-il ? » se disent ceux qui assistent à la scène et les vendeurs et ceux qui étaient habitués à tout ce trafic. Il nous dérange : faut-il le remettre à sa place ? Mais il révèle ce que Dieu devait penser à propos de tout ce bazar. Certains devaient ouvrir grand leurs oreilles et essayer de comprendre (c’est ce que font les disciples)
Mais certains ont déjà vu Jésus à l’œuvre : et depuis le Baptême au bord du Jourdain, depuis les noces de Cana, ils ont pressenti plusieurs fois que Jésus était bien le Messie ; alors ils sont préparés à reconnaître dans l’attitude de Jésus un geste prophétique. Étonnant, Jésus parle de son corps et cette annonce où l’on sait que Jésus parle de lui, de sa passion, est placée tout au début de l’Évangile juste après l’épisode des noces de Cana. Si on lit l’Évangile, on ne peut pas oublier l’amour de Jésus pour son père, que le temple est la maison de son Père. On peut garder à l’Esprit que Jésus agira dans cet amour qui le relie à son Père.
Tout le monde savait que les animaux des sacrifices ne devraient pas être là. Peu à peu, Les marchands se sont rapprochés du temple jusqu’à s’installer sur l’esplanade ! C’est cela que Jésus leur reproche, à juste titre. Alors une phrase du psaume 68/69 revient à la mémoire des disciples : « Le zèle de ta maison m’a dévoré ». Là aussi c’est pour une libération, pour que la loi du Seigneur ait sa place. Et même que le lieu saint qu’était le temple continue et retrouve son fonction, redise la fidélité à Dieu, invite à la reconnaissance et à la gratitude envers lui.
Comme souvent, dans l’Évangile de Jean, le sens du texte doit être en même temps reçu à un autre niveau de signification. On parle du temple et on comprend que Jésus parle de son corps.
On écrivait que Jésus était prophète, il l’est en annonçant ce qui va lui arriver, sa passion et sa résurrection. Jésus, le nouveau temple, c’est dire aussi que ce que donne la vie ne peut plus être dans les rites et les pierres. La démarche qui nous relie à Dieu, qui active notre vie avec Dieu avait besoin de ce qu’on appelera aussi une purification. Comme l’est notre baptême, comme aussi les pardons que nous recevons de Dieu quand nous reconnaissons que nous avons fait fausse route. C’est non seulement le temple qui doit être purifié, c’est chaque geste que nous faisons, quand des idoles l’ont encombré, quand l’amour de Dieu y a perdu de sa ferveur.
Son corps, c’est ce que nous sommes les uns et les autres en nous reconnaissant comme des membres du corps du Christ. Jésus n’aurait-il pas aussi à remettre à leur place les marchands qui font du trafic quand nous voudrions simplement grandir en amour, grandir dans l’attention aux autres. Une demande du décalogue aurait encore toute son actualité : celle qui demande de ne pas se faire d’idoles, de laisser à leur place quelque part dérisoire ce qui n’est qu’invention humaine.
Le geste de Jésus va dans le même sens. Geste prophétique, il fait le cœur de la mission de Jésus. Jésus est prêt à se donner par amour pour nous délivrer, c’est ce que nous rappelons dans l’Eucharistie, c’est pour que notre corps soit à nouveau sanctuaire, demeure du Très-Haut. C’est pour que notre vie d’enfant de Dieu puisse de mieux en mieux se greffer sur sa vie de Fils de Dieu.