Nous sommes encore au début de l’Évangile de Jean. On sait qu’il débute par un prologue qui parle du Verbe, de celui qui vient apporter la lumière et rendre témoignage à la vérité. Puis il y a l’allusion à Jean-Baptiste, l’appel des disciples, les noces de Cana. Il y avait le récit de dimanche passé : Jésus qui chasse les vendeurs du temple et qui annonce déjà que son corps, véritable sanctuaire, sera relevé. Jésus parle à Nicodème. C’est avec ce pharisien, chercheur de Dieu, que l’on peut entendre un enseignement de Jésus d’une rare richesse. A propos du baptême dans l’Esprit et de l’amour qu’insuffle cet Esprit, parce qu’il fait connaître Dieu et fait vivre comme notre Père du Ciel, en croyant et en suivant Jésus. Et puis cela continue en parlant de l’amour immense que Dieu nous montre et nous donne en Jésus.
Dans notre marche de carême, en entendant que Jésus serait élevé, on dirait que voilà l’annonce de la croix. Sauf que le texte ne parle pas de la croix. Mais bien de l’amour de Dieu qui nous sauve. Il parle bien de l’élévation de Jésus. Mais surtout pour comprendre que les yeux qui le cherchent peuvent le contempler. Les cœurs qui doutent de leur vie dans le péril du monde peuvent faire comme le peuple dans le désert quand il regardait un serpent et se fiait à Dieu qui seul pouvait le sauver des morsures mortelles. On ne donne donc pas ici l’image d’un Jésus souffrant sur la croix, mais bien l’annonce d’une source d’amour qui lave du péché. Cela renvoie déjà à un détail que Jean relèvera, l’eau et le sang qui couleront du côté du Christ en croix. Et surtout, regarder Jésus, reconnaître en lui le Sauveur fait échapper au jugement.
Pour l’heure, il est plutôt question de jugement. Mais de quoi s’agit-il ? Le bien et le mal, qui les connaît vraiment sinon le Seigneur ? Faut-il penser que c’est alors le juge qui seul peut donner la vraie sentence ? La foi fait entrer dans tout autre chose qu’une rétribution pour ce qu’on aurait fait. Ce qu’on a fait de mal serait-il à jamais inscrit de sorte que nous le payerons nécessairement ? Dieu fait grâce. Sa miséricorde, si notre esprit n’y est pas encore ouvert, en ressentant la brûlure d’une culpabilité, peut encore être découverte en Jésus. Croire, ce n’est pas simplement une manière d’échapper à une peine, à une sanction, c’est bien plus fort. Croire en Jésus, c’est croire au pardon, et d’ailleurs croire au pardon qu’on reçoit et à celui que l’on donne. C’est tendre de toutes ses forces à être miséricordieux comme le Seigneur. Croire en Jésus, c’est vivre en enfant de Dieu, c’est alors chercher en toute chose la communion quand les reproches et les comptes trop rigoureusement tenus, pour accuser l’autre, auraient apporté la guerre.
La première lecture faisait un bilan de l’histoire d’Israël, déportation, exil, ruine de Jérusalem. Mais voilà que l’histoire bascule : le roi des Perses semble même inspiré par le Seigneur. Le psaume le chante le souvenir de Dieu, de sa maison, de sa fidélité. Mais s’il est un bilan pour qui croit en Jésus, il se dit autrement. Dieu fait grâce. C’est une histoire qui peut nous inspirer un renouveau de générosité. Est-ce que nous pourrions dire ce qui nous est dû. Que la justice, pour nous, est de faire valoir nos droits ? Plus fondamentalement, le chrétien est celui qui reconnaît l’amour de Dieu pour lui. Et les combats sont à mener au nom de la foi, signifie des efforts pour la paix, pour l’entente, pour le bien de tous, pour le partage des richesses que Dieu nous donne. Pensons-y alors que nous faisons aujourd’hui la première collecte pour la campagne du carême. Il est question des rapports entre le nord et le sud, il est question d’une dette entre nord et sud. Il est temps d’écouter avec foi la source de la sagesse avant que les bilans des historiens ne comprennent pas les divisions entre des peuples à qui l’Évangile a pourtant été proposé.