« Nul n’est prophète en son pays. » On connaît le proverbe. Mais l’évangile fait accueillir les prophètes et l’Esprit qui les inspire que l’on soit d’ici ou d’ailleurs. L’Évangile n’est pas acceptation d’une situation figée mais à l’inverse un dépassement des cloisons et des frontières, ce qui libère et enrichit les échanges et les relations.
Cet évangile que nous avons entendu est réellement une formidable invitation à s’écouter autrement. Sans même parler de prophétie au sens fort, ce qui est en jeu, c’est la possibilité de s’écouter en vérité dans nos différences pour aller au-delà des conventions, au-delà des idées toutes faites qui feraient que, bien souvent, peu ose vraiment dire ce qu’ils pensent parce que les autres ne sont pas prêts à l’entendre. Voyez l’Évangile et Jésus qu’il nous montre : l’enjeu c’est tout rien moins que la sagesse d’une vue plus riche parce que cette manière de voir sera davantage ouverte à ce que chacun peut y apporter comme réflexion et comme une réaction que lui seul peut apporter.
Ce que l’Évangile nous dit ici de Jésus, c’est sa sagesse, et aussi l’étonnement devant ce que Jésus fait comme signes. Cela étonne et met en même temps une tension : pourquoi lui peut-il le faire et pas moi, et pas Paul ou Jacques ou Simon ? Attention, peuvent se dire quelques-uns, qui sont influents, si l’autorité lui revient à cause de ce qu’il montre. Mais Jésus ne veut jamais s’approprier le pouvoir : c’est le Père, c’est la foi et la manière de vivre en communion avec le Père du Ciel qui l’inspirent et en font le libérateur en qui on croit. L’Évangile nous fait bien dépasser cette limitation à l’action des prophètes parce que localement ils ne pourraient pas trop se montrer différents. Parce qu’il y a une différence fondamentale, il y a en chaque être humain, un mystère, une marque irréductible : c’est un enfant de Dieu, sa relation avec le Seigneur en fait une créature nouvelle.
Que quelqu’un ait des paroles différentes, que quelqu’un ait une manière de vivre et une vision du monde originale, novatrice, cela étonne. Mais quelle sera notre réaction ? Spontanée : du genre « pour qui se prend-il ? Comme il est bizarre, en plus il s’y croit ! » On bien : « qu’est-ce que le Seigneur veut me dire à travers celui-là ? Je ne le connaissais pas si bien que cela pour ne jamais encore avoir eu l’occasion de l’entendre et de chercher à mieux l’écouter. »
Nul n’est prophète en son pays, en sa famille, sa maison : c’est dire aussi qu’un pays, une famille et tout groupe humain ne peut pas être une ré alité fermée. Fermé au sens que rien de nouveau n’y serait vraiment pris en considération parce que tout serait critiqué sur la manière dont c’est celui-ci ou celui-là qui aurait parlé ou agi. Comme si personne ne pouvait s’y démarquer. Avec le risque que cette fermeture serait une stérilité, un risque de ne pas se renouveler.
Le pape François, dans sa dernière encyclique intitulée Tous frères (Fratelli Tutti), parle de monde ouvert et de monde fermé. Ouvert, cela ne correspond pas seulement aux frontières qui se sont ouvertes pour les échanges commerciaux, pour laisser diffuser les informations qui ne sont plus jalousement gardées. Parce qu’il y a malgré cela une fermeture qui concerne plutôt les cœurs, et la manière dont les échanges ne sont pas vraiment humains avec ce que cela voudrait dire de respect des personnes. Comment sommes-nous ouverts à ce qui fait l’humanité, la dignité humaine des autres populations ? Le défi à l’heure où l’économie régente le monde, où les résultats financiers priment sur bien des choses, c’est qu’il y ait partout dans le monde, vraiment des prophètes, des voix qui attirent l’attention sur le risque que les peuples n’y perdent leur âme, comme on dit, qu’on ne sache plus que les personnes sont autre chose que des pièces dans un grand système fermé. Avouons-le : la marge de manœuvre où l’on progresse vers le bien véritable est réduite à pas grand-chose, l’histoire de l’humanité doit être revue pour un progrès qui consisterait à libérer les énergies nouvelles pour travailler à plus de justice et de considération mutuelle. Il faut des prophètes qui font valoir cette sagesse. Jésus était de ceux-là en demandant qu’on se convertisse et en demandant de tout son cœur le règne de Dieu : un règne d’amour, de bienveillance, d’entraide qui fasse dépasser les différences. Le pape François, j’y faisais écho avec son appel qu’il lance dans son encyclique Fratelli Tutti, fait écho à cette demande de conversion : il appelle à l’amitié sociale et à une fraternité plus juste, plus profonde. Recevons le message de l’Évangile et par l’Esprit, devenons des prophètes en agissant et en témoignant de l’espérance qui est la nôtre. Nous aurons la joie de découvrir d’autres prophètes ouvrant le monde et les cœurs à l’amour qui peut le renouveler en vérité.
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