Homélie du 11 juillet 2021

Lectures

Lire le livre d’Amos, c’est mieux comprendre que Dieu appelle vraiment les prophètes. Et le chemin de vie d’Amos peut ouvrir pour chacun l’audace de témoigner, dans ses choix, de sa foi. C’est aussi mieux accueillir Jésus, le prophète par excellence, vraiment prophète parce qu’il est proche de celui qu’il appelle son Père et il parle alors on ne peut mieux de ce que Dieu veut dire aux hommes et aux femmes. Amos nous permettra aussi de penser à tous les envoyés pour la bonne nouvelle, à commencer par les apôtres que Jésus envoie annoncer le Royaume de Dieu, mais aussi à penser l’Église aujourd’hui et demain qui est missionnaire.

Flash sur Amos d’abord. Il fallait quelqu’un comme lui, qui soit dégagé, prenant distance de la religion cultuelle qui s’était mise en place. Parce que son message est autre : pour rappeler non pas qu’il faut suivre le rituel à la lettre et que l’attention se monopolise sur ce point, mais qu’il faut veiller à ses frères et sœurs. Et c’est nécessaire pour la santé spirituelle du peuple de l’alliance, en même temps que pour la vie du peuple lui-même. La vie de croyant est un équilibre entre le concret où l’on cherche la présence du Seigneur et la reconnaissance pour ce que, dans la foi, on reçoit de Dieu. Mais on peut parfois aussi tourner à vide, s’imaginer fêter le Seigneur quand on fête sa propre justice se fourvoyer sur une paix ouverte à Dieu qu’elle ne serait pas vraiment ouverte aux gens de l’extérieur de la tradition religieuse. Amos, vit à une période où la religion et le culte s’étaient institutionnalisés et risquaient de se scléroser dans des façons de faire privées de sens et dans des habitudes plus ou moins déviantes. Amos, c’est le porte-parole du Seigneur quand l’injustice s’installe et quand les responsables du peuple s’en rendent complices ou simplement ferment les yeux. La parole tranchante du prophète dénonce ces déviations qui, à l’insu des responsables, menacent l’avenir même du peuple et sa relation avec Dieu. Pour prononcer une telle parole et ramener le peuple vers l’alliance, il faut un homme libre. Amos en est un depuis que le Seigneur l’a appelé. Certains prétendaient qu’il vient leur faire ombre sur le territoire que le Seigneur leur avait confié. C’est pour cela qu’il dérange l’ordre – en réalité le désordre – établi et ceux qui, comme Amacias et Jéroboam, en sont les garants.

      C’est sûr que le message des envoyés de Dieu doit avoir bien changé depuis Amos et même aussi depuis le temps de l’envoi en mission des 12 par Jésus. Il n’est pas encore question de l’Évangile dans ce que nous en disons de plus fort : la nouvelle alliance, l’amour du Seigneur dit pour tous, sans aucune exception et donc sans plus aucun motif d’exclusion ou d’exception. Ce n’est pas encore le témoignage de ce qu’a donné Jésus, une fraternité universelle qui puise à l’amour qu’il a ainsi révélé. Mais ce que les disciples vont annoncer est déjà quelque chose de très fort et de très neuf : l’annonce du Royaume de Dieu. Pas question de sacraliser un roi, non car chacun trouve sa place dans le peuple et s’y ajuste en fonction de sa relation à Dieu, par un esprit qui le pousse, par un désir de contribuer à réaliser l’espérance que le Seigneur fait naître. Prêcher le royaume de Dieu aujourd’hui, cela pourrait aussi dériver. Quoi, parler d’un jugement dernier, revu en disant que tout va mal, laisser perler ce qu’on ne dirait pas ouvertement quand même : qui pourrait remettre de l’ordre sinon le Dieu du ciel pour redresser ce qui semblerait faussé. Il y a mieux à faire que de sombrer sans doute ainsi dans la fatalité : là où nous sommes, on peut dire que le droit, ce qui conduit le monde, ne peut pas être dans la logique des calculs et de la poursuite des intérêts particuliers, mais la grandeur de l’amour : parce que c’est là qu’on trouve Dieu, dans sa bonté qui porte du fruit dans les relations entre ceux qui le cherchent et lui ouvrent leur vie. Les disciples sont envoyés sans grand-chose. Un peu comme le prophète : dans la figure d’Amos se dit bien que ce n’est pas le confort d’une situation d’être une autorité religieuse qui est cherchée. Juste l’inverse : s’exposer à ce que Dieu voudrait faire passer comme message et le prendre pour soi, d’abord, ce message qui décape et renouvelle. Les disciples se voient remettre une autorité. Sur les esprits mauvais. J’aurais envie de parler de la libération qui leur était ainsi confiée : qu’il n’y ait plus de sens à parler de malédiction, que tous soient « bénis ». C’est un message très fort dans le concret de la vie de ceux qui broient du noir et y sont enfermés que le Seigneur nous veut tous libres, que sa miséricorde est plus forte que le mal qu’on aurait vite associé à une conscience blessée, à des fautes commises ou des manques d’amour qui ont fait mal. Convertissons-nous : le royaume de Dieu est proche. Serons-nous les prophètes qui comme Amos, se sentiront le cœur à répondre oui pour être artisan, là où l’on vit, d’un renouvellement radical de la justice et du respect de tous.