Lettre pastorale de Mgr Warin

Lettre pastorale à lire, à la place de l’homélie, les messes des 8 et 9 janvier prochains


Chers diocésains,


Les quatre évangélistes, Matthieu, Marc, Luc et Jean, s’accordent pour faire commencer la mission de Jésus au lendemain de son baptême. En conséquence, on peut penser que c’est au milieu des eaux du Jourdain que Jésus a pris conscience de la mission salvifique à lui confiée par le Père.
Au célèbre Musée des Offices à Florence, il y a une toile du peintre italien Verrocchio, dont Léonard de Vinci fut l’élève, représentant le baptême de Jésus. Elle nous montre Jean le Baptiste seul avec Jésus, et versant de l’eau sur la tête de ce dernier à l’aide d’une coquille.

Il y a peu de chance que cette représentation, qui a influencé l’image courante qu’on se fait du baptême de Jésus, soit conforme à la vérité historique. Le baptême auquel invitait Jean le Baptiste se faisait par immersion, semble-t-il. Sur un signe donné par lui, les prosélytes se plongeaient ensemble dans l’eau du Jourdain. Et rien dans les évangiles ne permet de penser que le baptême de Jésus se serait déroulé autrement.

Jésus a participé à un baptême collectif et, au grand étonnement de Jean le Baptiste, il est
entré dans le même bain que les pécheurs. Cela n’est-il pas significatif quant à la manière
dont Jésus entend exercer la mission de Messie, de Sauveur ? Sans retenir le rang qui l’égalait à Dieu et en devenant l’un des nôtres.

En cette fête du baptême du Seigneur, le jour même où il reçut du Père sa mission,
permettez-moi de vous rappeler un chemin que tous nous avons mission d’emprunter : celui d’aller vers des unités pastorales.

On situe la fin de l’Antiquité en 476, date de la chute de l’Empire romain. C’est après
l’Antiquité que nos régions ont été vraiment christianisées. Je dis « vraiment » car le premier
évêque en Belgique a été saint Servais qui, au quatrième siècle, avait son siège épiscopal à
Tongres.
La christianisation à partir de la fin de l’Antiquité a été telle que toute la société devint
finalement chrétienne. La paroisse partout, dans chaque village, est une réalité qui s’est développée avec le long processus de christianisation. Auparavant, l’Eglise était surtout une réalité urbaine : pour participer à l’assemblée dominicale, on venait à la ville, et l’assemblée dominicale était le plus souvent présidée par l’évêque.

Notre quadrillage actuel de 742 paroisses est donc, remarquons-le, une réalité qui n’a pas
toujours existé, et une réalité liée à la christianisation entière de la société.

Aujourd’hui notre société est pluraliste : les convictions les plus diverses se côtoient. Elle est plutôt laïque : le christianisme n’est plus majoritaire comme naguère. Autrefois nos églises rassemblaient généralement un fort pourcentage de personnes de la paroisse. Actuellement la pratique dominicale n’est plus ce qu’elle était.

Ce changement de contexte appelle des changements en ce qui concerne les paroisses et leur vie car, rappelons-le, la paroisse, dans son état actuel, est une réalité relative à un régime de chrétienté de la société. Nous ne pouvons plus par conséquent faire route en Eglise comme avant. Le grand nombre, le nombre actuel des paroisses, ne correspond plus à la position réelle de l’Eglise dans notre société moderne.

Le décret d’érection des secteurs pastoraux de notre diocèse date du 8 novembre 1978.
Monseigneur Robert Mathen était alors évêque. Sous son épiscopat, les paroisses ont été
groupées en quelque cent secteurs, avec pour mission de créer des passerelles, des synergies entre elles. Nous devons aller aujourd’hui vers des solidarités vécues plus grandes entre les paroisses actuelles : le secteur doit se muer en Unité pastorale et celle-ci devenir le lieu de base de la vie chrétienne.

J’étais évêque auxiliaire depuis douze jours lorsqu’à Bouillon, j’ai entendu cette réflexion
particulièrement pertinente d’un baptisé : « Il faut apprendre à se déplacer pour la messe à
un autre endroit de chez-soi, car le chez-soi est l’ensemble appelé secteur. » De fait, il s’agira d’inviter, à temps et à contretemps, à dépasser le tenace esprit de clocher. J’ajoute. S’il faut conjurer les tentations de repli, il ne peut être question de porter atteinte à la vitalité des dynamismes locaux existants. Nous ne voulons pas reproduire des erreurs
commises lors des fusions de communes et participer à un reflux de la vie.

Pendant quelques années, j’ai été desservant d’Odeur, une paroisse minuscule de la Hesbaye liégeoise. Il y avait là un fond de morosité, parce qu’il n’y avait plus de maison communale, plus de bureau de poste, plus d’école et même plus de fête foraine. Un vendredi saint, j’ai organisé une célébration itinérante. La participation a été massive, générale même. J’ai vérifié alors combien il y a lieu de respecter le plus petit village. Il ne faut jamais oublier la Parole en Michée 5,1 : « Toi, Bethléem Ephrata, le moindre des clans de Juda, c’est de toi que naîtra celui qui doit régner sur Israël. » Il s’agira donc que pastorale d’ensemble rime avec pastorale de proximité.

Comment l’Eglise pourrait-elle être évangélisatrice si elle ne commence pas par s’évangéliser elle-même ? J’appelle les communautés à être pleinement chrétiennes. Et être pleinement chrétien, cela ne veut pas dire seulement se réunir pour célébrer. Cela signifie encore grandir dans la foi (à cet effet, des catéchèses communautaires sont proposées par le Service de la Catéchèse) et aussi mettre en œuvre le service du frère (la diaconie).

Reconnaissons-le : bien des communautés, trop petites, n’ont pas les potentialités pour
promouvoir les trois dimensions. Nous touchons ici à une autre raison pour laquelle l’équipe
du Chantier paroissial propose un remodelage, un réajustement de l’habit paroissial, qui
implique des regroupements, sans pour autant délaisser la pastorale de proximité, qui n’a pas vécu.

J’exprime ma reconnaissance à l’équipe du Chantier paroissial emmenée par Madame
Françoise Hamoir, déléguée épiscopale et membre du conseil épiscopal, et je remercie les
personnes, de plus en plus nombreuses, qui accueillent les mutations promues par ce projet diocésain, dont la finalité est « d’engendrer (…) des communautés en phase avec le contexte sociétal et pleinement chrétiennes, et par là, signes dans un monde qui ne l’est plus guère ou plus du tout » *

Pierre Warin
Evêque de Namur
* Texte-cadre sur l’avenir des paroisses, p. 14.

Homélie du 2 janvier 2022

Lectures

Qui sont les chrétiens d'Orient ?

Avec l’Épiphanie, changement de perspective. Il faut se demander qui sont ces mages, on doit l’imaginer pour se mettre un peu à leur place et ainsi faire vivre ce récit. Ils ont voyagé. Ils découvrent cette contrée que les bergers de la nuit de Noël, eux, connaissent si bien. Avec les bergers on allait et venait à l’aise, puis il y avait cette interpellation dont ils étaient les témoins privilégiés : la gloire que chantaient les anges et le message auquel les bergers pouvaient assister. Ils pouvaient adorer, reconnaître dans la foi qu’il y a une force supérieure, celle qui donne la vie et même dont l’évangile nous dira qu’elle la renouvelle.

Avec les rois mages, qu’ils soient réellement rois ou plutôt mages et sages, cette force, une force de salut, celle d’une bonne nouvelle, semble confrontée à la jalousie d’un tyran, Hérode. Il faut s’en méfier. On se dit par là qu’il ne faut pas se leurrer, parce que les puissants du monde risquent toujours de s’en prendre au pouvoir spirituel, même si ce n’est pas leur truc.Quand on évoque l’Orient, quand on imagine des voyageurs dans ces contrées, on peut difficilement faire sans penser à tous les conflits qui y ont place, à toutes les zones qui sont peu sûres.

À penser que Noël est élargi à toutes les nations par l’Épiphanie, on oublierait qu’autour d’Israël et progressivement, quand on va vers l’Orient, il y a des chrétiens qui sont autant en danger du fait de la violence que Jésus n’était déjà dans le collimateur d’un tyran comme Hérode. L’Orient : qui veut aller se promener dans les contrées comme l’Irak ou la Syrie. Il ne fait pas bon être chrétien dans ces régions-là. Fin 11ème siècle, il y a des pèlerins, finalement des armées pour qu’on en parle comme des croisades pour défendre les lieux saints.

On se demande ce qu’on peut faire. Plus même de croisade pour la démocratie, on constate les oppressions et ce qui pousse les foules à quitter les zones à risque. En arrière-fond de la fête de l’épiphanie, il y a cette opposition du pouvoir d’Hérode avec ce que Jésus vient inaugurer : un royaume qui n’est pas de ce monde. Mais s’il faut vivre d’abord, on trouve des chefs de la terre qui menacent et on ne peut pas l’oublier pour ceux qui sont le plus visés par ces menaces. L’indifférence qui menace le monde, c’est un peu l’indifférence à la venue de Jésus alors que les mages, eux, nous disent que toutes les nations, il y a des chercheurs et des bonnes volontés qui se mobilisent. Soyons avec eux des chercheurs. Vous savez, ils donnent des présents mais c’est peu de choses par rapport à ce que nous recevons en Jésus. L’or donné au roi, pensons à la manière dont il vient régner dans nos cœurs pour que nous trouvions la joie à faire les choses avec cœur. Encenser quelqu’un : cela ne va guère pour celui qui s’est mis au pied des disciples qui nous dit que nous avons raison souvent de nous abaisser plutôt que de tenir à la première place. Et la myrrhe qui dit l’immortalité : ce n’est rien par rapport à la foi et à l’amour : croire au Seigneur, c’est vivre malgré notre condition mortelle, aimer, c’est connaître Dieu et renaître de sa vie.

Cela nous fait penser à ce que nous pouvons nous donner les uns les autres, bien mieux que tous les cadeaux qui encombrent plus qu’ils ne sont utiles.


Extraits Figaro Magazine : Sylvain Tesson, Syrie : sur les traces des croisés.

« Nous roulons vers le Nord, dans le désert syrien ; Défilent les quartiers ravagés par la guerre initiée par le printemps arabe de 2011 qui avait soulevé l’enthousiasme démocratique derrière laquelle les islamistes avaient fourbi leurs cimeterres. LE long de la route, les portraits de Bachar El-Hassad, mornes bornes. Hier la « communauté internationale » le désignait comme la pire créature du globe. Aujourd’hui, sa disparition n’est plus à l’ordre du jour. Les chancelleries ont changé d’avis. Les présidents n’appellent plus à la croisade, même démocratique. Le Quai d’Orsay s’est mué en chambre d’enregistrement de ce qui se passe. La politique, ancien nom donné à l’écriture d’un projet, est devenue une méthode de gestion de l’inéluctable. Les humanistes varient, les opinions opinent. Les équilibres économiques se redessinent, les hydrocarbures coulent, c’est le principal

« Au-dessus des ruines, le ciel. À Noël, le dernier carré des chrétiens de Syrie présent sur cette terre depuis les chevauchées de saint Paul au premier siècle répétera les vieux gestes d’accueil d’un nouveau-né très pauvre qui avait l’air de l’enfant de la nuit et de la paille. Dieu n’avait pas besoin de signes de fureur pour dépêcher sa force. Les prêches de jésus changèrent la face du monde, sans que jamais retentit l’appel à la guerre.

La venue de l’enfant éclipsa le règne de Jupiter. Sa Parole traversa le désert et les mers, projeta des chevaliers francs sur les promontoires de l’Oronte, et rappelle toujours au monde que l’amour et le pardon provoquent des ondes de choc supérieures à celles des ceintures d’explosifs.

La Syrie est la terre où s’élèvent depuis 2000 ans les plus anciens chants de Noël. La voix pour l’instant faiblit. Elle est attaquée par le règne de la quantité, de la marchandise, de la brutalité et de la laideur. Mais personne ici, entre le djebel et le wadi, n’oubliera ce message réverbéré par les pierres blanches des absides : après la Noël viennent toujours les Pâques. Les ruines ont une noblesse parce qu’elles ont une mémoire.                                           

Homélie Sainte Famille

Jésus, Marie, Joseph. Étrange, cette expression qui dit la bonté divine, elle peut devenir l’expression d’un désarroi : on ne sait plus à quel saint se vouer ! Mais l’heure n’est pas à cela. Plutôt à nous laisser entraîner par les liens qui se tissaient entre Jésus, Marie et Joseph dans cette sacrée famille. Je dis « sacrée » :à nouveau, c’est un peu provoquant : quelle histoire, cette famille qui n’a rien d’ordinaire ! Et pourtant, sans vouloir imiter ce qui est inimitable en elle –  c’est quand même une histoire on ne peut plus unique – les familles ordinaires, je pense, peuvent entrer dans cette manière de vivre dans la prière, dans une relation à Dieu comme le vivait la famille de Nazareth. C’est sûr Jésus, mis au monde par Marie et accueilli par Joseph, c’est quelque chose d’interpellant pour toutes les familles, mais ce qui s’est tissé entre eux, le fil qui a uni ces trois là, on pourrait le reprendre pour coudre le tissu de nos familles dites ordinaires, mais elles aussi chaque fois uniques.

   Je consultais un ouvrage sur la spiritualité de la famille, je me disais est-ce que l’auteur, assez doué pour bien présenter les choses, pourra parler de ce qu’échangeaient Joseph et Marie. Je voyais donc un ouvrage sur des saintes familles. Oui, il y a plusieurs saintes familles, la maison de Nazareth c’est unique, mais des hommes et des femmes ont parfois, dans leur amour, suivi le Fils, ses paroles et ont vécu en reflets de la Trinité. L’auteur consultait ainsi des archives pour d’autre couples avec des correspondances, des biographies. Mais pour Joseph et Marie, difficile à développer à part quelques scènes de l’Évangile qu’il ne faut pas trop dénaturer en leur faisant dire plus que ce qu’elles disent. Que peut-on vraiment dire de l’éducation de Jésus, alors que l’Évangile veut aussi nous faire découvrir qu’être Fils de Dieu, ce n’est pas une identité qui se rajoute à ce que le soin éducatif des parents aurait déjà donné au garçon. Tout un débat pourrait s’amorcer ici mais en tout cas le récit de l’Évangile, alors qu’on fête la sainte Famille, nous fait assister à une scène où Jésus se montre indépendant par rapport à ses parents de la terre, tout en montrant par là un rapport intense à Celui qu’il appellera son Père, père divin, Père avec une majuscule si on veut.

      Et nous voilà ainsi avec une scène qui n’a rien pour dire l’amour qui unissait Marie et Joseph, sauf qu’il se rejoignaient dans l’inquiétude pour l’enfant. On peut bien dire que pour une mère juive, perdre un enfant est une catastrophe, c’est vrai pour toute maman. Peut-être quand même, dans le peuple de l’alliance, avec un accent particulier. Dieu a donné un enfant, Dieu me l’a confié, serais-je indigne devant Dieu, indigne de confiance ?  Dieu a donné, donc, il y a le soin et l’amour de la maman, mais il ne faut pas oublier l’amour premier, celui qui fait toute chose, celui du Seigneur. Et la volonté de Dieu, celle qu’on lit dans la Loi, dans la prière, on peut la découvrir entre les lignes de la Loi, et dans des histoires comme celle de Jésus retrouvé au temple. Jésus, au-delà des habitudes et de la vigilance de ses parents, est préoccupé par ce qu’on dit de Dieu, de sa Loi, de l’alliance entre Dieu et les hommes. De quoi remettre en place beaucoup de schémas d’éducation. Quel principe conduit une famille, assumer un désir d’enfant et tout ce que cela changera dans la vie ? Où le climat qui montre un intérêt qui ne s’avoue pas ? On gère l’entreprise familiale et sans rien dire, ce serait quand même bien que le petit reprenne l’affaire. Mais les affaires de Dieu, et le plan que le Seigneur a pour chaque enfant venant dans le monde – sa vocation – y pense-t-on ? L’éducation comprend-elle une dimension qui donne à toute chose sa place simplement par l’appel qu’on essaie de préciser en demandant au Seigneur : Seigneur, apprends-moi à faire ta volonté ?

            La scène de l’Évangile fait-elle de Jésus un sujet d’exception ? Non, plutôt un jeune de 12 ans qui nous appelle à faire de même, à ne pas oublier qu’être enfant de Dieu, même par le baptême, cela vous change la vie. Ce n’est pas pour se moquer des injonctions des autorités familiales ou politiques, mais pour chercher ensemble un accord en profondeur quand on reconnaît que toute autorité vient de Dieu, que la paternité comme la tendresse ont sa source en lui. Jésus va dans le temple. Cherchons dans nos cœurs dans le temple où l’Esprit vient nous vivifier, cette source de vie divine qui fera que nos relations familiales, et que toute relation interpersonnelle s’accordera à la sagesse et l’amour de Dieu.

Homélie du jour de Noël

Le sens des mots, des mots justes, des mots vrais, c’est important.

Et ce qu’on a raconté sur Dieu au long des âges, dans les différentes cultures, a parfois été délirant. En passant de la naissance d’un enfant, dans la nuit de Noël, de la fête que cela a donné à un texte sur la vérité, on aurait pu se dire quel rapport ? On se prosterne mais dans l’attente d’en savoir plus alors que l’on se trouve devant quelqu’un qui ne peut encore que balbutier. Mais donc il s’agit d’un prologue : si on voit dans ce mot la première syllabe pro, c’est pour dire ce qui vient avant, logue monologue, dialogue, comme logos, comme justement le mot qui se traduit par le verbe, la parole, visant par-là l’Évangile, mais surtout celui qui nous parle, celui qui est la Parole de Dieu faite chair, Jésus. Au début de l’Evangile, elle met déjà en contexte une parole, celle de Jésus, tout ce que la personne nous dit, et la manière dont elle a été accueillie et la manière dont aujourd’hui, nous l’accueillons. Car ce prologue dit surtout le contexte pour ou contre la lumière, avec un témoignage, celui de Jean auquel se joint d’autres témoignages, sans doute pour que nous aussi soyons témoins.

Cela nous interpelle donc déjà sur la manière dont notre attitude vis-à-vis de celui qui, tout entier, nous parlera au nom de Dieu, sera entre l’accueil et le refus, entre ce que l’ouverture à la présence du Seigneur peut renouveler dans notre vie et la résistance à quitter des habitudes recroquevillées sur elles-mêmes quand il est difficile de se remettre en question pour un mieux.

On se réveille un peu de la magie de Noël, d’une autre ambiance où l’on allait jusqu’à entendre chanter les anges, pour éveiller notre attention à quelqu’un d’important. Mais où va notre attention, cette attention en resterait-elle à la tendresse à laquelle invite la vue d’un enfant, le miracle de sa venue à la vie ? Sans doute laissions-nous déjà résonner des titres, des mots aussi qui nous présentaient l’enfant de la crèche. Mais l’évangile est encore à venir alors pour voir ce qu’il y a derrière ces mots : sauveur, prince de la paix,… D’autres mots suivront dans l’Évangile : « ta foi t’a sauvé » ; puis des paroles aussi capitales que celles de la résurrection, quand la vie donnée de Jésus sera annoncée, à travers le témoignage de ceux qui l’ont vu ressuscité, comme une victoire de l’amour même sur la mort. 

C’est déjà cette lumière d’une vie, d’une parole, d’un message d’amour plus fort que tout que nous célébrons dès le début de l’Évangile de Jean, dans ce poème qu’est le prologue, un prélude qui annonce la couleur ou plutôt la lumière de la Vérité.

Oui, parce qu’avec les mots et les paroles se posent la question de la vérité. Pour toute vie en commun, pour toute organisation, pour tout essai de s’entendre. Et si les mots ne sont qu’une annonce, la vérité, elle, vient de la qualité de présence, d’engagement, d’accord de la vie par rapport à ce qui est dit. 

Si l’Évangile, et avec l’Évangile, la vie de Jésus qui y est racontée commence par cette insistance sur la vérité, sur des mots qui peuvent voler bien haut, il faut bien dire que l’histoire de Jésus commence bien concrètement avec sa naissance sur la paille et dans la pauvreté, ceci pour dire un accueil quand même assez compliqué, qui ne fait qu’annoncer déjà comment tout n’est pas gagné d’avance, comment l’amour du Seigneur, même s’il sera reconnu, l’est souvent dans le secret, quand des cœurs acceptent de se laisser interpeller. Parce que l’Évangile interpelle plus dans le recueillement quand dans les grands discours, dans une demande d’aide toute simple entre quatre yeux plutôt que dans les grands programmes qui risquent de faire déchanter ceux qui ont trop souvent connu des histoires trop belles pour être vraies.

C’est trop beau pour être vrai. A nous à qui ces mots sont adressés, à nous d’inverser beauté et vérité, à nous de prendre appui sur des paroles, un témoignage qui nous fait accueillir le Siegneur pour que la vie soit plus belle. Non pas un rêve, le Seigneur est venu, il vient encore, nous sommes là pour l’accueillir, mais accueillons en vérité. Que la communauté que nous formons ensemble nous y encourage, qu’elle nous stimule, pour faire des mots d’amour, des mots de confiance, des mots de paix et de justice, plus qu’un beau programme, une expérience de joie à partager.

Homélie nuit de Noël

Nous voici à une messe pas comme les autres. Et pourtant c’est aussi une messe.

Et alors que c’est Noël, que nous célébrons la naissance de Jésus, en célébrant la messe, c’est la victoire de l’amour sur la mort qui sera présente, c’est ce que Jésus lui-même avait annoncé en rompant le pain et en faisant passer la coupe à ses amis : autre chose que la tendresse d’une venue au monde, qu’un heureux événement car il annonçait sa mort, et nous le faisons avec lui, forts de sa présence quand nous le faisons en mémoire de lui. C’est cela aussi une messe. En entrant dans cette église quand il fait sombre, j’ai souvent laissé la lumière sur cette belle croix. Et en même temps s’éclairait une station du chemin de la croix. Justement, celle où Jésus est remis dans les bras de sa mère. Quel contraste par rapport à Noël et l’enfant qu’on imagine goûter la tendresse de sa maman. Cela nous rappelle que Jésus est venu pour entrer par son incarnation dans ce que la vie peut avoir de dur et pénible, à l’extrême. C’est vrai qu’un soir de Noël, nous avons traditionnellement envie de dire stop à tout ce qui est contraire à la dignité des êtres humains. Difficile de fêter vraiment si je ramène une note de tragique. Peut-être pas, parce que la naissance du sauveur annonce aussi que le mal n’est pas vainqueur, qu’il y a une réponse des croyants au tragique de la vie. À condition d’accueillir, quand nous fêtons Noël, un invité de choix.

Des invités de choix : de choix, oui, tout naturellement, en redisant à nos proches qu’ils sont importants et que c’est important, chaque année de se retrouver. Noël, c’est cela aussi, c’est marqué depuis notre enfance, un temps où l’on prend le temps de célébrer ensemble la paix, la joie dans un petit monde que les décors de Noël, qui riment avec rituel, rendent porteurs, ils sont signe des retrouvailles et d’un arrêt dans le quotidien avec ce qu’il peut avoir de morose. Même si avec les années, il y a des visages qui disparaissent mais et que les signes de Noël, parfois, les évoquent encore ; c’est pour dire l’importance de ce qui fait une fête comme Noël. Mais demandons-nous comment Jésus, s’il est l’invité que nous accueillons, ouvre cette fête vers l’avenir, ou plutôt ouvre avenir plus humain. Accueillons-nous Jésus ? Je ne pense pas qu’il faut confiner la question dans une évaluation de notre solidarité, de nos dépenses pour la fête ou de notre générosité pour des œuvres de charité qui ouvre Noël à tous. Même si c’est vrai la très modeste étable pourtant accueillante au Fils de Dieu, cela a de quoi interroger les dépenses pour les fêtes de fin d’année. Cela nous rappelle aussi que le Fils de Dieu est prêt à s’adapter à toutes les situations, à ne pas avoir, comme il le dira, de pierre pour reposer la tête. Avec les difficultés à échanger, à nous rassembler, ces derniers mois, conditions sanitaires obligent, nous sentons bien nos difficultés à nous adapter et d’ailleurs, il est plus juste de nous demander ce qu’est l’essentiel dans la vie, et comment nous nous préservons une voie pour le viser et pour progresser vers cet essentiel. On peut se crisper parce qu’on ne peut pas célébrer Noël comme d’habitude, comme on devrait toujours pouvoir le faire. L’essentiel est sans doute à découvrir dans la manière dont à cette heure -ci nous pouvons encore et toujours nous faire accueillants à la présence du Seigneur, pour écouter sa parole, pour nous savoir rassemblés en son nom et pas seulement parce que c’est jour de fête et qu’il faut alors faire la fête. Les textes nous rejoignent quand ils parlent d’une longue marche dans les ténèbres, dans l’incertitude, dans le ras-le-bol, mais la lumière peut encore resplendir. Grâce à quelqu’un. Sans doute que les prophéties visaient un guide pour le peuple d’Israël. Mais celui qu’à l’époque on attendait comme un leader politique, un chef qui remplirait les attentes du peuple s’est montré beaucoup plus que cela : un maître de sagesse, un guide pour mieux mettre notre joie dans le bien de tous, dans l’amour même quand il est service, quand il se risque à se dépenser pour les autres.

Apparaît dans cette nuit un enfant qui est le signe d’une ère nouvelle. Mais pas question de développer l’utopie d’un monde parfait. Plutôt laisser une lumière inonder nos cœurs. Jésus n’est plus là vous me direz, c’est juste un rappel de sa venue. Plus important : d’une autre manière, il est encore là. Quand nous nous reflétons les uns aux autres bien plus que la lumière des illuminations de fin d’année, quand c’est une vie selon l’Évangile qui peut rayonner, quand on est plus frères et sœurs, quand mieux que nous soumettre aux époques et aux conditions qu’elles nous réservent, nous cherchons avec cœur à mettre de la joie dans la vie de nos semblables, c’est Noël parce que Dieu vient habiter parmi nous, parce qu’il est bien parmi nos invités.

Flash-back

Mon cœur exulte, mon âme est en fête !

Jour de fête à Sugny, 3 jours après la fête patronale, la Saint Martin .
Pour annoncer la venue du Fils de l’homme. Mais c’est un enfant du village qui est venu célébrer au nom du Seigneur à Sugny.

A Sugny, ce 14 novembre, les paroissiens, par l’intermédiaire de leur curé, le Père Jean-Pierre Brou, m’avait offert de venir présider l’Eucharistie dominicale. L’enfant du village était comblé même à commenter cette venue du Fils de l’Homme dans un décor qui sonne l’alerte.

25 ans déjà. Les années passent et pourtant, mon impression était plutôt celle d’un « coup de jeune ». Les prémisses, c’était comme hier, et en 2021, mes racines sont bien vivantes. Comment dire l’inverse quand on retrouve des personnes qui en étaient et qui ont dû donner, à leur manière, à l’enfant du village que je suis d’accueillir l’appel du Seigneur ?  Actualiser l’évangile, cet évangile des temps qui font signe d’un changement, c’est bien dire qu’il concerne cette génération, comme Jésus le disait, même si on ignore les dates. Les temps sont durs : non pas au point de cacher le soleil ou la lune, mais pour devoir cacher les visages par crainte de ce fameux virus…. Mais de la même manière que ce qu’annonçait l’évangile, le Fils de l’homme se tient à la porte.

Et j’étais habité par un autre souvenir, celui de la première homélie que j’ai prononcée alors que l’Evangile racontait comment Jésus, prenant le livre d’Isaïe à la synagogue, concluait sa lecture par : « Cette parole, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit. » C’est bien pour cette génération ! Le lien est à faire avec la venue du Fils de l’homme qui est la victoire de ceux qui lui ont été fidèles, qui ont bâti leur vie sur la Parole de Dieu, sur le commandement de l’amour.La Parole du Seigneur reçue dans l’Esprit est libération. Avec l’Esprit, on peut avec Jésus être pour aujourd’hui ceux qui annoncent la bonne nouvelle à bien des pauvres, et faire grandir que le règne de Dieu qu’on appelle ensemble dans le Notre Père : que ton Règne vienne.

Homélie du 25 octobre 2021

Difficile de se mettre dans le personnage de Bartimée. Nous imaginons peut-être la manière dont la foule le rabroue et cela nous fait mal d’imaginer combien seul et ignoré peut être cet aveugle mendiant. « Laisse-nous tranquilles », lui dit-on, sans se rendre compte du mépris, de cette condamnation à une misère où il ne peut que survivre. Et pourtant, il a entendu parler de Jésus. Il attend le salut et celui que Dieu enverra comme sauveur. Il devine la présence du Sauveur sans doute bien mieux que beaucoup d’autres.

La foule, elle est toute en effervescence. En accompagnant Jésus, pour une partie d’entre elle. Elle est de toute façon fort agitée quand elle doit laisser passer ce cortège de gens pauvres ou estropiés qui viennent mendier une guérison près du Maître. Mais voilà que Jésus s’arrête et fait appeler Bartimée. Retournement. Celui qu’on mettait de côté prend la première place dans l’attention de Jésus. Et formidable, voilà dans la masse des gens que l’appel de Jésus se transmet. Plus rien de la demande de tranquillité mais bien l’invitation à rejoindre Jésus : « Confiance il t’appelle ». Formidable : la foule qui aurait pu encore faire obstruction à la rencontre avec Jésus encourage maintenant à la confiance.

Cela peut vraiment nous éclairer. Comment sommes-nous des relais pour faire approcher de Jésus, pour faire grandir la confiance en lui ? Comment voyons-nous les mendiants d’aujourd’hui, comment comprenons-nous qu’il y a dans le cœur de bien des personnes un manque vital d’amour, quelque chose qui les rend aveugles et qui ne leur permet pas de vivre avec la dignité de donner le meilleur d’eux-mêmes ? Cette foule qui laisse émerger des personnes qui font aller à Jésus et qui stimulent à la confiance, nous en sommes pour devenir des relais d’évangile. Nous en sommes même d’autant plus que Jésus semble nous dire encore pour pas mal de personnes : je peux leur ouvrir le cœur, je peux ouvrir les yeux sur le vrai monde, celui où l’amour fait vivre. Je peux les guérir de toute misère et des blessures que les dédains, les oublis, les indifférences font sentir.

Une eucharistie, c’est l’occasion de nous arrêter pour mieux repérer que Jésus s’arrête, qu’il se fait présent encore aujourd’hui et qu’il nous donne une force d’amour, qu’il nous éclaire par la confiance en ce que l’amour peut dépasser comme difficulté.

Le message de salut de l’Évangile, c’est la lumière dans la nuit d’un monde qui fonctionne cruellement en excluant beaucoup de personnes. Serons-nous ses témoins, laisserons-nous l’appel de l’Évangile pour que nous nous encouragions les uns les autres à partager les fruits que l’Esprit d’amour peut faire grandir dans nos cœurs ?
Allons avec confiance vers Jésus, forts de tout ce qu’il peut faire comme merveille.

Homélie de la messe du lancement du 3/10/21

En parlant de graine de moutarde, c’est une invitation à la foi qui peut venir en nous. Si la foi, vous en aviez gros comme une graine de moutarde.  Un refrain disait qu’on pouvait, selon les paroles de Jésus, avec ce minimum de foi, faire déplacer des montagnes. Un refrain souvent repris avec les enfants, ceux comme qui il est préférable de rester, si on veut vraiment accueillir le royaume de Dieu.

Le chantier qui fait mettre en place des unités pastorales n’est pas une montagne à déplacer, mais soyons comme des enfants, dans la confiance en leur père du ciel, pour ne pas que nos appréhensions deviennent des montagnes quand il faut changer nos manières de faire Église, quand il faut pour faire route ensemble, changer nos habitudes, que tout cela, nous n’en fassions une montagne.

C’est vrai que nos mentalités changent, on râle et on s’exaspère dans un monde plein d’illusions qui met à notre portée, soi-disant parce que c’est à portée de clics, dans une réalité gonflée de virtuel, toute sorte de biens qui nous encombrent le cœur. Des machines traitent ainsi pour nous des montagnes d’informations mais cela laissera toujours que notre cœur, parfois, pour accueillir vraiment une seule parole, prendra bien du temps, le temps d’une conversion.,

Là aussi, la foi dire qu’il me soit fait selon ta parole, renverse des montagnes.

L’Évangile parle ici d’un projet, une promesse de Dieu qui a pris corps avec Jésus : le royaume des Cieux. Juste à l’inverse de ces biens dont le monde actuel fait naître un désir compulsif. Ou de ces inquiétudes dont nous avons du mal à nous mettre quitte. Le royaume, ce qu’on accueillera avantageusement avec une foi aussi radicale que la confiance d’une enfant, c’est à vivre au bout d’un chemin. Nous nous mettons en route vers la fondation d’unités pastorales, ce n’est pas le Royaume, mais c’est l’espérance du Royaume qui doit nous y conduire. Et accueillant la Bonne Nouvelle d’aujourd’hui, nous comprenons la conversion à vivre. On désespère trop vite de ce qui demande du temps. Demandons-nous pourquoi il faut un peu de temps : parce que c’est respecter le temps d’une croissance spirituelle, le temps de découvrir les obstacles qui sont en nous et dans nos habitudes à changer, le temps surtout, pour faire route ensemble, pour se connaître, se respecter avec nos différences. C’est le chemin non seulement d’une collaboration qui nous arrange, mais d’une communion qui nous enrichira. Cela reste un défi qu’on ne peut relever qu’avec l’Esprit d’unité l’Esprit qui fait de nous un seul corps dans la diversité de ses membres et de leurs charismes.

Pour avancer, ne perdons pas de temps, car la loi d’amour de l’Évangile dit aussi l’urgence de donner du temps du temps aux autres, comme on donne du temps au Seigneur dans la prière pour recevoir notre vie de lui. Vivre notre foi, c’est autant apprendre à vivre du Seigneur que remplir une mission de chrétien comme un devoir à accomplir indifféremment avec lui ou sans lui. C’est avec lui ou bien nous nous faisons illusion.

Et de la même manière, notre vie chrétienne, c’est répondre à un appel à faire les choses ensemble, et pour cela avoir envie de mieux se connaître, de trouver notre richesse dans notre complémentarité et de laisser l’Esprit du Seigneur souffler cet ajustement les uns aux autres dans l’amour.

On pourrait calculer plutôt que de se rendre disponible à Dieu, chercher par nous-mêmes l’efficacité. Mais quoi alors si les autres ne semblent pas les bons équipiers à nos yeux. Non, le Royaume à construire, pour qu’il grandisse, il faut compter sur l’Esprit d’amour, sur la présence d’un Dieu aimant en chacun de nous. Il grandira vraiment par la fraternité de tous ceux qui n’y attellent pas par l’optimisation d’une structure de fonctionnement où il n’y aurait pas la moindre miséricorde, la moindre bienveillance.

Pourquoi donc le royaume devient-il si grand alors qu’il n’était que deux fois rien quand son projet a frappé à la porter de notre cœur ? Pourquoi ? C’est moins une question qu’un appel à contempler sa croissance. Contempler, voir avec le cœur, c’est rendre grâce pour ce que tous y apportent.

Il grandit avec le temps et en même temps, il demande cette conversion du cœur à ne former dans le Seigneur qu’un seul cœur. C’est aussi constitutif de notre mission. Élargir nos cercles car c’est nous affranchir de ce qui serait méfiance ou indifférence C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres qu’ils reconnaîtront que vous êtes mes disciples, dit un jour Jésus. C’est un test, une balise pour être sûr que le fonctionnement ne se pervertit pas ; ne devient pas stérile. Gardons l’image de ce grand arbre qui n’était qu’une graine insignifiante et qui peut de plus en plus accueillir tout le monde sous son ombrage.