Lettre pastorale à lire, à la place de l’homélie, les messes des 8 et 9 janvier prochains
Chers diocésains,
Les quatre évangélistes, Matthieu, Marc, Luc et Jean, s’accordent pour faire commencer la mission de Jésus au lendemain de son baptême. En conséquence, on peut penser que c’est au milieu des eaux du Jourdain que Jésus a pris conscience de la mission salvifique à lui confiée par le Père.
Au célèbre Musée des Offices à Florence, il y a une toile du peintre italien Verrocchio, dont Léonard de Vinci fut l’élève, représentant le baptême de Jésus. Elle nous montre Jean le Baptiste seul avec Jésus, et versant de l’eau sur la tête de ce dernier à l’aide d’une coquille.
Il y a peu de chance que cette représentation, qui a influencé l’image courante qu’on se fait du baptême de Jésus, soit conforme à la vérité historique. Le baptême auquel invitait Jean le Baptiste se faisait par immersion, semble-t-il. Sur un signe donné par lui, les prosélytes se plongeaient ensemble dans l’eau du Jourdain. Et rien dans les évangiles ne permet de penser que le baptême de Jésus se serait déroulé autrement.
Jésus a participé à un baptême collectif et, au grand étonnement de Jean le Baptiste, il est
entré dans le même bain que les pécheurs. Cela n’est-il pas significatif quant à la manière
dont Jésus entend exercer la mission de Messie, de Sauveur ? Sans retenir le rang qui l’égalait à Dieu et en devenant l’un des nôtres.
En cette fête du baptême du Seigneur, le jour même où il reçut du Père sa mission,
permettez-moi de vous rappeler un chemin que tous nous avons mission d’emprunter : celui d’aller vers des unités pastorales.
On situe la fin de l’Antiquité en 476, date de la chute de l’Empire romain. C’est après
l’Antiquité que nos régions ont été vraiment christianisées. Je dis « vraiment » car le premier
évêque en Belgique a été saint Servais qui, au quatrième siècle, avait son siège épiscopal à
Tongres.
La christianisation à partir de la fin de l’Antiquité a été telle que toute la société devint
finalement chrétienne. La paroisse partout, dans chaque village, est une réalité qui s’est développée avec le long processus de christianisation. Auparavant, l’Eglise était surtout une réalité urbaine : pour participer à l’assemblée dominicale, on venait à la ville, et l’assemblée dominicale était le plus souvent présidée par l’évêque.
Notre quadrillage actuel de 742 paroisses est donc, remarquons-le, une réalité qui n’a pas
toujours existé, et une réalité liée à la christianisation entière de la société.
Aujourd’hui notre société est pluraliste : les convictions les plus diverses se côtoient. Elle est plutôt laïque : le christianisme n’est plus majoritaire comme naguère. Autrefois nos églises rassemblaient généralement un fort pourcentage de personnes de la paroisse. Actuellement la pratique dominicale n’est plus ce qu’elle était.
Ce changement de contexte appelle des changements en ce qui concerne les paroisses et leur vie car, rappelons-le, la paroisse, dans son état actuel, est une réalité relative à un régime de chrétienté de la société. Nous ne pouvons plus par conséquent faire route en Eglise comme avant. Le grand nombre, le nombre actuel des paroisses, ne correspond plus à la position réelle de l’Eglise dans notre société moderne.
Le décret d’érection des secteurs pastoraux de notre diocèse date du 8 novembre 1978.
Monseigneur Robert Mathen était alors évêque. Sous son épiscopat, les paroisses ont été
groupées en quelque cent secteurs, avec pour mission de créer des passerelles, des synergies entre elles. Nous devons aller aujourd’hui vers des solidarités vécues plus grandes entre les paroisses actuelles : le secteur doit se muer en Unité pastorale et celle-ci devenir le lieu de base de la vie chrétienne.
J’étais évêque auxiliaire depuis douze jours lorsqu’à Bouillon, j’ai entendu cette réflexion
particulièrement pertinente d’un baptisé : « Il faut apprendre à se déplacer pour la messe à
un autre endroit de chez-soi, car le chez-soi est l’ensemble appelé secteur. » De fait, il s’agira d’inviter, à temps et à contretemps, à dépasser le tenace esprit de clocher. J’ajoute. S’il faut conjurer les tentations de repli, il ne peut être question de porter atteinte à la vitalité des dynamismes locaux existants. Nous ne voulons pas reproduire des erreurs
commises lors des fusions de communes et participer à un reflux de la vie.
Pendant quelques années, j’ai été desservant d’Odeur, une paroisse minuscule de la Hesbaye liégeoise. Il y avait là un fond de morosité, parce qu’il n’y avait plus de maison communale, plus de bureau de poste, plus d’école et même plus de fête foraine. Un vendredi saint, j’ai organisé une célébration itinérante. La participation a été massive, générale même. J’ai vérifié alors combien il y a lieu de respecter le plus petit village. Il ne faut jamais oublier la Parole en Michée 5,1 : « Toi, Bethléem Ephrata, le moindre des clans de Juda, c’est de toi que naîtra celui qui doit régner sur Israël. » Il s’agira donc que pastorale d’ensemble rime avec pastorale de proximité.
Comment l’Eglise pourrait-elle être évangélisatrice si elle ne commence pas par s’évangéliser elle-même ? J’appelle les communautés à être pleinement chrétiennes. Et être pleinement chrétien, cela ne veut pas dire seulement se réunir pour célébrer. Cela signifie encore grandir dans la foi (à cet effet, des catéchèses communautaires sont proposées par le Service de la Catéchèse) et aussi mettre en œuvre le service du frère (la diaconie).
Reconnaissons-le : bien des communautés, trop petites, n’ont pas les potentialités pour
promouvoir les trois dimensions. Nous touchons ici à une autre raison pour laquelle l’équipe
du Chantier paroissial propose un remodelage, un réajustement de l’habit paroissial, qui
implique des regroupements, sans pour autant délaisser la pastorale de proximité, qui n’a pas vécu.
J’exprime ma reconnaissance à l’équipe du Chantier paroissial emmenée par Madame
Françoise Hamoir, déléguée épiscopale et membre du conseil épiscopal, et je remercie les
personnes, de plus en plus nombreuses, qui accueillent les mutations promues par ce projet diocésain, dont la finalité est « d’engendrer (…) des communautés en phase avec le contexte sociétal et pleinement chrétiennes, et par là, signes dans un monde qui ne l’est plus guère ou plus du tout » *
Pierre Warin
Evêque de Namur
* Texte-cadre sur l’avenir des paroisses, p. 14.
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