Homélie du 3ème dimanche de Pâques 2021

Lectures

Dimanche après dimanche, nous avons rendez-vous avec le Seigneur parce qu’il vient à notre rencontre.

Comment cela se passe-t-il ?

Le Seigneur compte sur nous, sur notre accueil : accueil de ce qu’il nous dit, de ce qu’il nous montre. Sans doute, si nous nous comparons à ce qui se passe dans un Évangile comme celui que nous venons d’entendre, nous dirions : « Ce n’est pas la même chose. » Non, mais il y a beaucoup de similitudes. L’extrait d’Évangile d’aujourd’hui, il commence par ce qu’on pourrait appeler un partage d’Évangile. Comme aujourd’hui, on ouvre sa Bible, on est éclairé par un texte sur ce qu’on vit et on veut en dire quelque chose aux autres, pour remercier ensemble le Seigneur pour les fruits qu’il fait grandir en chacun. Les disciples qui reviennent d’Emmaüs racontent ce qui s’est passé avec Jésus, comment Jésus leur a ouvert le sens des Écritures.

Comment nous, en fouillant dans ce que la Parole de Dieu a gravé dans nos mémoires et dans nos cœurs, comment sommes-nous la terre, où cette parole peut donner du fruit ?

Il ne faut pas en rester à une morale que nous aurions repérée pour dire une motivation supplémentaire à nous cantonner dans le bien. C’est important mais il y a plus. Le sens des Écritures, c’est une direction de l’histoire, une manière pour Dieu de nous conduire : dans le sens du pardon, de la miséricorde, de l’accueil mutuel des uns et des autres, dans une fraternité nouvelle. Le sens des Écritures, c’est la communion de tous autour de lui, Dieu présent comme l’amour qui transforme le monde des hommes. Nous en sommes loin. Le partage de bonnes Nouvelles auquel chaque dimanche nous convoque peut être bien contrarié par les critiques que nous adresserions à ce qui se passe autour de nous, pour les obstacles à ce que notre espérance pourrait proposer.

Les choses ne sont pas faciles. Ce n’était pas le cas pour les premiers chrétiens. Mais est-ce pour cela que nous devrions laisser attendre le Seigneur ? Il nous parle, resterions-nous à douter vraiment de ce qu’il serait toujours ce soutien, et alors laisser l’histoire qu’il veut réaliser avec nous, laisser son projet se perdre en se bloquant contre le mur de nos aigreurs de toutes sortes, de nos doutes, en ne sauvant, chacun, que sa petite bulle de sécurité pour soi et ses proches ?

Dans l’épisode d’aujourd’hui, lors de cette apparition de Jésus, les disciples évoquent aussi leur doute. Vous diriez comme eux : comment est-ce possible par rapport à ce que nous connaissons par expérience ? L’Évangile est partagé pour dire non ce n’est pas une illusion, ce n’est pas simplement la peine trop forte des disciples qui leur fait inventer n’importe quoi. Ce qui les conduit, avec du recul, c’est encore et toujours la manière dont la Parole de Dieu, les Écritures, vont s’accomplir. Vous avez remarqué dans la première lecture, quand Pierre plaide pour faire reconnaître Jésus, cela revient là aussi, il fait référence aux prophètes. Les gens d’Israël s’y référaient assez et il leur demande l’humilité pour reconnaître que les accusations contre Jésus sont une erreur. Il faut que la parole s’accomplisse.

Cela ne veut pas dire : « C’est écrit, point final. » Mais plutôt : « regardez, cherchez les signes. Dieu vous parle encore, comprenez ce qui se passe, percevez comment il s’est fait présent à notre histoire, et vivez dans cette histoire qu’il écrit avec vous. » C’est le sens de la résurrection, dès maintenant. Nous sommes des êtres nouveaux quand nous découvrons le Seigneur Jésus présent dans notre vie. Il vient comme notre défenseur par rapport à cette question tellement embarrassante de nos limites, de la mort, du mal. C’est une balise inestimable pour nous soutenir par rapport à ce qui coince pour réaliser un monde qui irait mieux. Le Chrétien, c’est celui qui vise ce monde à réaliser par ce que Jésus-Christ a réparé – c’est pourquoi on peut l’appeler le sauveur -. Il n’est pas celui qui nous défend, qui nous excuse pour nos maladresses. Il nous ouvre la source de l’amour : alors à nous d’ouvrir nos cœurs pour recevoir cet amour qui peut restaurer tant et tant de situations où l’amour manque. Lisons notre histoire, repérons les difficultés à aimer et confions au Seigneur de les traverser avec lui.

Partageons à nos frères et sœurs ce que l’Évangile, c’est-à-dire la présence de Jésus et son amour, peut faire germer ça et là, comme autant de signes, de fruits que porte sa parole. La parole du Seigneur s’accomplit : c’est encore actuel, c’est une actualisation – comme on dit – de l’Évangile, c’est une mise à jour, pour aujourd’hui, de la force que le Seigneur, en se révélant à nous, peut nous communiquer. Ouvrons nos cœurs. N’ayons pas peur même si parfois, il y a une difficulté à l’accueillir.

Ne croyons pas que c’est réservé à quelques-uns. Écoutez cette phrase de l’Évangile : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ? » Déjà au tout début, il y avait des réserves pour se laisser travailler par une parole qui bouleverse ce qui paraissait des évidences. La foi, c’est dire l’amour victorieux de la mort, c’est proclamer que rien ne peut arrêter l’amour de Dieu. Que le Seigneur fasse régner cette sagesse dans nos vies. Et notre vie témoignera que Jésus est bien présent, ressuscité pour nous ouvrir déjà maintenant, à cette vie nouvelle.

Donnons tout son sens à la vie

Bonjour chers vous tous,

Dans le contexte actuel, il est de plus en plus évident que chacun, croyant ou pas, a besoin d’un message d’espoir. Notre Eglise diocésaine, à l’occasion de la fête de Pâques, souhaite partager son espérance par une opération « Donnons tout son sens à la Vie ». Avec les doyens principaux, Mgr Warin et les membres du conseil épiscopal ont décidé de proposer, au niveau de l’Eglise diocésaine, un geste significatif. ll ne s’agit nullement d’un mouvement d’ humeur, ni de grogne MAIS d’un geste d’espérance. Une bannière avec le message « Donnons tout son sens à la Vie » et quatre hashtags ( # spiritualité,  # relations,  # culture et # santé) sera mise en valeur et un acte symbolique sera posé à la sortie des messes de Pâques ce dimanche 4 avril.
Nous avons le grand plaisir de vous annoncer que notre bourgmestre a donné son accord pour que nous puissions organiser l’opération « Donnons tout son sens à la Vie » dans notre Doyenné, annoncée par l’Evêché. 

Concrètement, nous prévoyons un rassemblement de 50 personnes sur la place de l’église de Leuze pour commencer par un chant de résurrection à 12h15 précises, l’animation se clôturera après la sonnerie des cloches à 12h30, celles-ci sonneront en même temps que toutes les cloches de notre doyenné et plus largement de tout notre diocèse .

Nous souhaitons faire passer un message d’espérance, et pour cela nous vous demandons de venir avec un vêtement blanc.
Conformément aux mesures, tout le monde devra porter le masque et des chaises seront installées pour respecter les distances de sécurité.


L’entrée se fera par un seul côté. Vous serez accueillis par trois personnes : la première vous fournira du gel hydroalcoolique, la seconde vous demandera vos données de contact pour le tracing et la dernière vous donnera un badge en souvenir de ce jour.

Vous êtes donc cordialement invités, avec votre vêtement blanc munissez-vous aussi de votre plus beau sourire pour que nous puissions le déceler à travers votre regard qui lui, ne sera pas masqué. 

Une grande bannière sera également déployée sur 150 églises de notre diocèse, ci-joint, un fichier avec l’image de la bannière, vous pouvez par solidarité l’imprimer et l’apposer à votre fenêtre. Une animation pour le catéchisme a été proposée dans cet esprit. 

Dans l’attente de vous revoir tous en pleine forme, je vous souhaite déjà de très belles fêtes de Pâques !

Véronique

Pour notre Doyen Bruno

Homélie du dimanche des Rameaux

Lectures

Le SEIGNEUR mon Dieu m’a donné le langage des disciples pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé. C’est le message d’Isaïe, en prélude à la passion ? Faisons-en une parole à vivre pour partager les fruits de la passion de Jésus.

Car cette Parole d’Isaïe peut changer notre vie. C’est le message d’un prophète qui dit ce qui fait sa vie de prophète. C’est aussi le témoignage d’un disciple qui dit la force qu’il trouve dans la parole que Dieu lui. Cela peut devenir le témoignage d’un chrétien qui dit les fruits produits par la conversion à la Parole et à la vie de Jésus.

Certains auraient peur de parler d’obéissance la Bible parle d’écoute. « Écouter », c’est un mot qui a un sens bien particulier dans la Bible : cela veut dire faire confiance ; les auteurs bibliques ont l’habitude d’opposer ces deux attitudes types entre lesquelles nos vies oscillent sans cesse : confiance à l’égard de Dieu, abandon serein à sa volonté parce qu’on sait d’expérience que sa volonté n’est que bonne… ou bien méfiance, soupçon porté sur les intentions de Dieu… et révolte devant les épreuves, révolte qui peut nous amener à croire qu’il nous a abandonnés ou pire qu’il pourrait trouver une satisfaction dans nos souffrances.

On pourrait avoir peur pour notre liberté : en ce jour particulièrement alors qu’on entend ce qu’il en a coûté à Jésus d’aller jusqu’au bout de sa mission. Il a donné sa vie en allant jusqu’au bout de cette écoute qui est confiance dans le Père. Le croyant fait confiance et peut tout reconnaître comme don de Dieu. Et alors il sent une force qui le fait tenir bon dans l’épreuve. Celui qui vit dans ce don permanent de la force de Dieu peut tout affronter.

Ce don de Dieu, il se montre au plus haut point dans la passion de Jésus. Dieu nous a aimés jusque-là. Quand l’évangile nous rappelle la versatilité de la foule, quand nous gagne la peur parce qu’il y a dans l’homme de la jalousie pour le pouvoir, l’appât du gain qui le rend aveugle, la panique qui peut faire faire n’importe quoi, écoute la parole de Dieu, regarder Jésus pleinement un avec son Père, révélant parfaitement la volonté du Père de sauver les hommes de tout cela, c’est un don qui peut nous faire affronter beaucoup plus que nous ne pensons. Il y a des paroles qui nous désarçonnent, comme les rumeurs, les informations qui sont comme des pointes toxiques, il y a des paroles que nous pouvons échanger pour nous stimuler à affronter la réalité, et surtout à ne pas gaspiller le don d’amour que le Seigneur, quand on s’y ouvre, peut mettre dans nos vies.

La passion de Jésus, c’est un récit qui peut graver dans nos vies l’amour plus fort que tout que le Seigneur a pour nous. C’est à cela que nous pouvons obéir, adhérer au Seigneur : pour dire que nous ne voulons rien perdre de l’amour qu’il nous donne. Parce que la foi, c’est la conviction que la parole du Seigneur ouvre une vie nouvelle, quand même avec les obstacles, autre chose se montre qui est donné par Dieu, la Bonne Nouvelle de l’amour qui nous rend forts, qui fait que nous ne sommes jamais seuls. Soyons témoins les uns pour les autres de l’amour que Dieu nous montre en Jésus, partager les uns avec les autres l’amour qui nous sauve.

Homélie 5ème dimanche de Carême 2021

Lectures

Bible, Prophétie, Croix, Le Christianisme, Foi

Mais que va-t-il donc se passer à Jérusalem : les paroles de Jésus nous renseignent-elles ? Elles sont tellement mystérieuses : Père glorifie ton Fils : qu’est-ce que cela veut dire ? L’image du grain de blé qui doit mourir, l’âme bouleversée de Jésus qui s’en remet finalement à la volonté du Père, l’évocation déjà de ceux qui regarderont vers celui qui aura été élevé : tout cela nous fait signe et nous lance en même temps bien des questions. Au cœur de notre foi, ces paroles sont en même temps comme une semence de vie ! Aujourd’hui encore ! Pour cela, redécouvrons comment Dieu nous parle.

La fidélité de Dieu se dit en Jésus. La nouvelle alliance que nous évoquons à chaque eucharistie dit la force d’un lien du Seigneur avec les hommes, ses enfants et cette force a traversé l’histoire et les générations. Dans la première lecture, Jérémie annonçait une nouvelle alliance. Non pas que l’ancienne alliance soit révoquée. Non, c’est la même alliance mais ce qui change, c’est la manière de la vivre. Ce qui change, c’est la vraie connaissance de Dieu, c’est-à-dire une vie en présence de Dieu, une vie en aimant comme lui, avec lui. Alors on peut reconnaître ce qu’il fait fidèlement pour chacun. Et cela remonte loin, comme quand il y avait eu rupture entre les gens du Nord et ceux du Sud, entre Israël et Judas : un seul peuple s’était divisé en deux. L’alliance rejoindra les deux. C’est un signe important pour dire que l’alliance n’est pas celle d’un peuple au détriment d’un autre. C’est un appel pour que la découverte de l’alliance avec Dieu soit une annonce que chacun fait pour la partager.

Comme les prophètes : Quand tout va mal, les prophètes retrouvent des raisons d’espérer, c’est le Seigneur qui relance l’alliance, c’est sa fidélité à soutenir son peuple qui propose à celui-ci de se donner un chemin à suivre. Les prophètes sentent les choses comme Dieu le leur inspire. Ils voient en premier les bourgeons germer, et tout ce qu’ils promettent d’une vie nouvelle. Puis viendra Jésus qui fait relire autrement le message des prophètes. Serait-ce seulement la prospérité d’un peuple privilégié qui est en cause ? Qu’on ne se trompe pas : c’est le salut pour le monde entier. Et donc aussi de quoi soutenir aujourd’hui l’engagement de ceux qui se confient à Dieu, et témoignent de leur foi aux autres.

On parle de prophètes, on dirait vite que cela relève de l’Ancien Testament, qu’on en sort avec Jésus. Mais ce mot « Testament », utilisé pour désigner l’ancien et le nouveau testaments qui forment la Bible, savez-vous que ce mot signifie « alliance » ? Testament, cela fait plutôt penser à ce qu’on signe chez le notaire. Il faudrait plutôt parler de tout ce qui s’est vécu dans la foi depuis Abraham, avec une foule qui s’est élargie à des milliers de fidèles, avec un visage de Dieu qui s’est révélé par les prophètes et puis par Jésus. Et en effet, Jésus, c’est Dieu qui soutient son peuple autrement. Il se fait le frère de chacun, non pas frère par le sang mais par l’écoute de ce que Dieu dit. Il est la Parole de Dieu mais aussi le cœur uni aux nôtres pour qu’avec lui cette parole porte du fruit. C’est pourquoi rien n’est effacé des promesses de Dieu. La Bible est l’histoire d’une même fidélité de Dieu envers les hommes, vécue d’abord par un peuple à qui il s’est présenté, qui a fait mémoire de ses merveilles et qui est tendu vers l’avenir de ses promesses. Et Jésus vient les réaliser non plus seulement pour ce peuple mais pour toute l’humanité.

Avec ceux – les Grecs dont parle l’extrait d’aujourd’hui – qui veulent voir Jésus dans l’évangile, nous sommes habités par une curiosité. Nous voudrions voir tout ce que la foi en Jésus peut changer, peut guérir et sauver, et en même temps le montrer pour apporter un beau témoignage.

Il y a cette phrase qui pouvait nous sembler mystérieuse : l’heure est venue pour le fils de l’homme d’être glorifié. Mais la gloire du Seigneur, c’est sa présence. Oui, l’Évangile, c’est la bonne nouvelle de la présence de Dieu : cette présence est manifestée par ce que la vie de Jésus nous en montre. Comme une semence pour qu’une vie nouvelle sorte de la terre au temps voulu et produise des fruits jusqu’à la moisson. A chacun d’interpréter les temps qui se succèdent comme autant de moissons où la Parole de Dieu portera du fruit, où Jésus, comme le grain semé en terre, sera source de vie pour ceux qui croient en lui. Plutôt que d’en rester à des phrases mystérieuses, rejoignons à notre manière la présence de Dieu et ce qu’elle peut susciter et soutenir dans notre vie. De textes qui évoquent sans cesse le pardon et la miséricorde, ayons le goût de la réconciliation, de la médiation quand des tensions surgissent. Que l’attention aux autres soient soutenue par l’attention à Dieu, à sa paix. Quand donc Dieu se fait-il reconnaître, quand donc sa présence dit-elle sa fidélité, le soutien qu’il assure à ceux qui se fient à lui ? Certains se demanderont si c’est tenable de parler de présence de Dieu quand la société nous demande de tenir même nos idées religieuses à l’écart des lieux publics. Plus que les idées, c’est l’amour du Seigneur qui doit être présent, que nous pouvons accueillir et faire nôtre, parce que nous sommes ses enfants, c’est l’alliance nouvelle. Oui ; c’est l’amour de Dieu vécu et partagé par ses disciples qu’on peut chercher. Il est présent et peut travailler le monde. Voilà en vérité ce qui portera du fruit.

Homélie 4ème dimanche de Carême

Lectures

Nous sommes encore au début de l’Évangile de Jean. On sait qu’il débute par un prologue qui parle du Verbe, de celui qui vient apporter la lumière et rendre témoignage à la vérité. Puis il y a l’allusion à Jean-Baptiste, l’appel des disciples, les noces de Cana. Il y avait le récit de dimanche passé : Jésus qui chasse les vendeurs du temple et qui annonce déjà que son corps, véritable sanctuaire, sera relevé. Jésus parle à Nicodème. C’est avec ce pharisien, chercheur de Dieu, que l’on peut entendre un enseignement de Jésus d’une rare richesse. A propos du baptême dans l’Esprit et de l’amour qu’insuffle cet Esprit, parce qu’il fait connaître Dieu et fait vivre comme notre Père du Ciel, en croyant et en suivant Jésus. Et puis cela continue en parlant de l’amour immense que Dieu nous montre et nous donne en Jésus.

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Dans notre marche de carême, en entendant que Jésus serait élevé, on dirait que voilà l’annonce de la croix. Sauf que le texte ne parle pas de la croix. Mais bien de l’amour de Dieu qui nous sauve. Il parle bien de l’élévation de Jésus. Mais surtout pour comprendre que les yeux qui le cherchent peuvent le contempler. Les cœurs qui doutent de leur vie dans le péril du monde peuvent faire comme le peuple dans le désert quand il regardait un serpent et se fiait à Dieu qui seul pouvait le sauver des morsures mortelles. On ne donne donc pas ici l’image d’un Jésus souffrant sur la croix, mais bien l’annonce d’une source d’amour qui lave du péché. Cela renvoie déjà à un détail que Jean relèvera, l’eau et le sang qui couleront du côté du Christ en croix. Et surtout, regarder Jésus, reconnaître en lui le Sauveur fait échapper au jugement.

Fenêtre, Fenêtre De L'Église, Eglise, Vitrail, Foi

Pour l’heure, il est plutôt question de jugement. Mais de quoi s’agit-il ? Le bien et le mal, qui les connaît vraiment sinon le Seigneur ? Faut-il penser que c’est alors le juge qui seul peut donner la vraie sentence ? La foi fait entrer dans tout autre chose qu’une rétribution pour ce qu’on aurait fait. Ce qu’on a fait de mal serait-il à jamais inscrit de sorte que nous le payerons nécessairement ? Dieu fait grâce. Sa miséricorde, si notre esprit n’y est pas encore ouvert, en ressentant la brûlure d’une culpabilité, peut encore être découverte en Jésus. Croire, ce n’est pas simplement une manière d’échapper à une peine, à une sanction, c’est bien plus fort. Croire en Jésus, c’est croire au pardon, et d’ailleurs croire au pardon qu’on reçoit et à celui que l’on donne. C’est tendre de toutes ses forces à être miséricordieux comme le Seigneur. Croire en Jésus, c’est vivre en enfant de Dieu, c’est alors chercher en toute chose la communion quand les reproches et les comptes trop rigoureusement tenus, pour accuser l’autre, auraient apporté la guerre.

La première lecture faisait un bilan de l’histoire d’Israël, déportation, exil, ruine de Jérusalem. Mais voilà que l’histoire bascule : le roi des Perses semble même inspiré par le Seigneur. Le psaume le chante le souvenir de Dieu, de sa maison, de sa fidélité. Mais s’il  est un bilan pour qui croit en Jésus, il se dit autrement. Dieu fait grâce. C’est une histoire qui peut nous inspirer un renouveau de générosité. Est-ce que nous pourrions dire ce qui nous est dû. Que la justice, pour nous, est de faire valoir nos droits ? Plus fondamentalement, le chrétien est celui qui reconnaît l’amour de Dieu pour lui. Et les combats sont à mener au nom de la foi, signifie des efforts pour la paix, pour l’entente, pour le bien de tous,  pour le partage des richesses que Dieu nous donne. Pensons-y alors que nous faisons aujourd’hui la première collecte pour la campagne du carême. Il est question des rapports entre le nord et le sud, il est question d’une dette entre nord et sud. Il est temps d’écouter avec foi la source de la sagesse avant que les bilans des historiens ne comprennent pas les divisions entre des peuples à qui l’Évangile a pourtant été proposé.

Homélie 3ème dimanche de Carême

Lectures

Nous avons entendu deux textes importants. Ces textes demandent à être relus dans la foi, c’est-à-dire en prenant le point de vue de Dieu, en nous rappelant ce qu’il attend de nous. C’est vraiment ce que demande d’abord la première lecture. Qu’est-ce que Dieu demande ? On pourrait le dire aussi avec Jésus. Un zèle, un amour pour Dieu peut vraiment nous renouveler. On entendra le décalogue mais ce n’est pas qu’un règlement. Car on l’entendait, Dieu se présente, il se rappelle à la mémoire de son peuple, il se rappelle à sa foi.

« Je suis le SEIGNEUR ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. » Ce verset constitue le prologue, et les commandements suivent ; ce rappel, qui prend la forme d’une présentation, justifie tout le reste, cela donne sens à tout ce que le Seigneur prescrit. C’est le fondement de la Loi en Israël et c’est son originalité. Même si le contenu peut paraître semblable à ce que d’autre peuples se donneront. Le fondement, c’est la libération d’Égypte. Israël sait pour toujours que le Dieu libérateur donne la Loi comme un chemin d’apprentissage de la liberté. C’est essentiel quand on entend de Dieu qu’il ne faut pas se faire d’idole mais qu’il faut adorer Dieu et nul autre. Ou encore à propos de cette autre demande, celle du sabbat : Dieu donne un temps, il libère un temps à l’homme pour que la foi ne soit pas annexée derrière le travail. Même s’il doit tirer son pain de son travail, celui qui se met dans les mains de Dieu se rappellera de rendre grâce,  pour le Créateur sans qui il nous pourrait se nourrir.

Dieu dit qu’il est un Dieu jaloux. C’est comme la source d’une sagesse. Dieu est follement attaché à son peuple. Il l’aime d’un amour fidèle, il aime chacun dans ce peuple. Il sait que des idoles encombre les cœurs et font oublier ce qui est juste ? C’est contraire à la justice, à l’ordre qu’il y a dans la relation d’alliance entre Dieu et l’homme.
On peut lire chacun des commandements comme une entreprise de libération de l’homme, de la part de Dieu. Si vous préférez, c’est une méthode d’apprentissage de la liberté pour l’homme. C’est le sens, pour commencer de l’interdiction de l’idolâtrie : « Tu n’auras pas d’autres dieux que moi ». Et, tout au long de l’Ancien Testament, les prophètes, les uns après les autres, se feront les champions de la lutte contre toute idolâtrie. Et ils auront bien du mal.
Aujourd’hui encore, ils auraient bien du mal, peut-être ; parce que, finalement, la définition d’une idole, c’est ce qui nous occupe au point de faire de nous ses esclaves : ce peut être une secte, mais aussi l’argent, le sexe, une drogue ou une autre, la télévision, ou toute autre occupation qui finit par remplir le champ de nos pensées au point de nous faire oublier le reste.

Le point de vue de Dieu, le point de la foi et de la fidélité à Dieu se redit dans la scène de l’Évangile d’aujourd’hui qu’on appelle souvent la purification du temple.

La violence de Jésus est inattendue, ses paroles encore plus ! « Ne faites pas de la Maison de mon Père une maison de trafic »Et le reproche qu’il fait aux vendeurs laisse entendre qu’il se prend pour un prophète. Plus fort encore : Il ose dire « la maison de mon Père ». « Pour qui se prend-il ? » se disent ceux qui assistent à la scène et les vendeurs et ceux qui étaient habitués à tout ce trafic. Il nous dérange : faut-il le remettre à sa place ? Mais il révèle ce que Dieu devait penser à propos de tout ce bazar. Certains devaient ouvrir grand leurs oreilles et essayer de comprendre (c’est ce que font les disciples)

Mais certains ont déjà vu Jésus à l’œuvre : et depuis le Baptême au bord du Jourdain, depuis les noces de Cana, ils ont pressenti plusieurs fois que Jésus était bien le Messie ; alors ils sont préparés à reconnaître dans l’attitude de Jésus un geste prophétique. Étonnant, Jésus parle de son corps et cette annonce où l’on sait que Jésus parle de lui, de sa passion, est placée tout au début de l’Évangile juste après l’épisode des noces de Cana. Si on lit l’Évangile, on ne peut pas oublier l’amour de Jésus pour son père, que le temple est la maison de son Père. On peut garder à l’Esprit que Jésus agira dans cet amour qui le relie à son Père.

Tout le monde savait que les animaux des sacrifices ne devraient pas être là. Peu à peu, Les marchands se sont rapprochés du temple jusqu’à s’installer sur l’esplanade ! C’est cela que Jésus leur reproche, à juste titre. Alors une phrase du psaume 68/69 revient à la mémoire des disciples : « Le zèle de ta maison m’a dévoré ». Là aussi c’est pour une libération, pour que la loi du Seigneur ait sa place. Et même que le lieu saint qu’était le temple continue et retrouve son fonction, redise la fidélité à Dieu, invite à la reconnaissance et  à la gratitude envers lui.

Comme souvent, dans l’Évangile de Jean, le sens du texte doit être en même temps reçu à un autre niveau de signification. On parle du temple et on comprend que Jésus parle de son corps.

On écrivait que Jésus était prophète, il l’est en annonçant ce qui va lui arriver, sa passion et sa résurrection. Jésus, le nouveau temple, c’est dire aussi que ce que donne la vie ne peut plus être dans les rites et les pierres. La démarche qui nous relie à Dieu, qui active notre vie avec Dieu avait besoin de ce qu’on appelera aussi une purification. Comme l’est notre baptême, comme aussi les pardons que nous recevons de Dieu quand nous reconnaissons que nous avons fait fausse route.  C’est non seulement le temple qui doit être purifié, c’est chaque geste que nous faisons, quand des idoles l’ont encombré, quand l’amour de Dieu y a perdu de sa ferveur.
Son corps, c’est ce que nous sommes les uns et les autres en nous reconnaissant comme des membres du corps du Christ. Jésus n’aurait-il pas aussi à remettre à leur place les marchands qui font du trafic quand nous voudrions simplement grandir en amour, grandir dans l’attention aux autres. Une demande du décalogue aurait encore toute son actualité : celle qui demande de ne pas se faire d’idoles, de laisser à leur place quelque part dérisoire ce qui n’est qu’invention humaine.

Le geste de Jésus va dans le même sens. Geste prophétique, il fait le cœur de la mission de Jésus. Jésus est prêt à se donner par amour pour nous délivrer, c’est ce que nous rappelons dans l’Eucharistie, c’est pour que notre corps soit à nouveau sanctuaire, demeure du Très-Haut. C’est pour que notre vie d’enfant de Dieu puisse de mieux en mieux se greffer sur sa vie de Fils de Dieu.

2ème dimanche de Carême année B

Lectures

Lectures

Le récit de la première lecture, on le connaît et cela nous questionne vraiment. Dieu a-t-il attendu que les hommes lui offrent des sacrifices ? Tout le monde semblerait dire non. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’est un sacrifice : anticiper les contrariétés en contrariant nos sales manies et s’en trouver plus libre. C’est intelligent, c’est bien visé et c’est tout à fait indiqué durant un temps de carême pour se rendre disponible : disponible aux autres et à l’écoute du Seigneur. Mais le sacrifice auquel se préparait Abraham, c’est autre chose et là se pose une question difficile : Dieu y aurait-il été présent ? Tout le monde christianisé a dû dire ouf en entendant que l’ange du Seigneur est venu au secours de ce qu’Abraham semblait pourtant avoir entendu de Dieu. Le sacrifice du bélier relève encore d’autre chose, d’une désappropriation, d’un détachement qui dit l’attachement à Dieu. Sans Dieu, nous n’obtenons rien, d’accord. Et les sacrifices dans pas mal de religions disent que recevoir de lui n’est jamais s’approprier ce qu’il nous donne. Quand on reconnaît que tout vient de Dieu, la reconnaissance et l’esprit de partage seront toujours plus forts que le sentiment de posséder.

De ce texte effrayant, à cause du sacrifice inhumain qui n’aura finalement pas lieu, ressort du moins la foi exceptionnelle d’Abraham. Pour dire cela, je ne me pose pas la question de ce qui était demandé. Certains ont souligné l’obéissance sans défaut d’Abraham. Ce n’est pas pour cela qu’Abraham n’aurait plus reconnu en Isaac la promesse. Mais il est prêt à payer du prix de la douleur d’une perte immense sa fidélité à Dieu. [Deux réflexions à ce sujet.

– On entend souvent parler de valeurs chrétiennes. On évoque parler des types d’attitudes importantes au niveau moral. Obéir à quelqu’un, lui rester fidèle, respecter une vie qui est inestimable, parler en vérité et agir dans la justice et s’en faire le garant avec tout ce qu’on est. C’est plus que miser sur des valeurs pour viser une qualité morale de notre vie. L’attitude d’Abraham est de cet ordre-là. Vivre en croyant, plus que trouver des valeurs qui servent de balises, c’est découvrir un ancrage dans l’histoire, dans une histoire d’alliance et de communion.

– Cette histoire est rebutante avec l’idée du sacrifice d’Isaac, on pourrait faire le lien quand on entend des commentaires sur des catastrophes qui touchent des innocents et qu’on relève aussi que Dieu laisse faire cela.] La vie est souvent cruelle, injuste : bien des pourquoi restent sans réponse. Dieu ne répond pas. Certains ont accusé la foi de donner des illusions. Mais la foi n’est pas une illumination où nous prendrions nos rêves pour la réalité. Le Royaume des cieux n’est pas le temps de la récompense ou le tirage des lots de consolation. La foi nous fait nous demander jusqu’où nous serions fidèles au Seigneur dans les épreuves. Les épreuves de la vie sont des épreuves pour notre relation à Dieu. Et ici, on touche un point abordé aussi par l’évangile d’aujourd’hui.

L’épisode de la transfiguration ne s’arrête pas dans la paix, comme si finalement, Pierre avait quand même planté ses trois tentes. Loin de là. La foi en Dieu n’est pas à ce niveau-là. Que peut-on dire de l’amour de Dieu quand on est ébloui par une lumière, quand on ne peut pas vraiment comprendre ? Jésus demandera aux disciples, à ce moment-là, de garder le silence. Pour être témoins comme Jésus voudrait qu’ils le soient, ils devront vivre autre chose : l’épreuve de la séparation, un combat et puis l’inattendu qui dit la victoire de Dieu. Le chemin de croix de Jésus, la manière dont il continue à se faire proche de tous les humiliés, les condamnés, sa fidélité à soutenir que Dieu pardonne à ceux qui sont d’avance disqualifiés tout cela dit autre chose à la foi. La foi se fait une lutte pour dire que Dieu n’a rien d’un juge sévère dont il faut avoir peur. Ceux qui avaient suivi Jésus n’oseront pas l’accompagner. Mais désormais, on sait où est Dieu quand des drames touchent la vie : il est avec ceux qui souffrent, avec les victimes, il est là quand il y a un manque en humanité. Voilà ce que les disciples devront dire quand les illusions de puissance de Jésus se seront éteintes, quand ils auront plutôt à vivre dans la communion avec le ressuscité.

Les disciples ne devaient rien dire et ils garderont le silence alors que leur maître, celui qui avait les paroles de la vie éternelle, allait endurer, par amour, une violence qui fait bien malheureusement partie de l’humanité quand les choses vont mal. Il y a bien des situations où il est difficile de prendre la parole et pourtant, on voudrait avoir le recul et relire les situations de crise avec un regard de foi. Non plus la foi éprouvée à l’extrême, sans comprendre, d’Abraham. Mais la foi dans la présence du Seigneur Jésus à nos côtés, c’est bien différent. Les épreuves restent réelles. Mais si notre foi est éprouvée, relions-nous au Christ qui veut porter le poids de nos douleurs. C’est lui notre force, notre soutien dans l’épreuve. Par le baptême, nous sommes les membres du Christ. Jésus n’est pas ici ou là, à chercher chez l’un plutôt que chez l’autre. Son Esprit est aussi ce qui rapproche les membres de son corps et ce qui les fait se soutenir mutuellement. Oui, parce que le Christ est ressuscité, nous pouvons réellement témoigner d’un autre sens qu’ont les épreuves que notre humanité peut rencontrer si nous les vivons avec lui, en nous reconnaissons en lui, en l’accueillant en nous. Notre foi nous y prépare, qu’elle progresse encore durant ce carême pour que notre joie soit encore plus grande en fêtant dans quelques semaines la victoire du ressuscité.

Homélie du 1er dimanche de Carême

Lectures du jour

Tous les évangiles ne parlent pas de la même manière des tentations de Jésus au désert. Marc, que nous avons entendu, ne détaille pas les trois tentations. Nous voilà dispensés de chercher à comprendre comment le mal vient des envies qui nous travaillent. Le tentateur aurait essayé de les rendre pressantes à l’attention de Jésus et Jésus aurait argumenté en puisant dans la parole de Dieu. L’important est bien de dire comment Jésus est plus fort que ces tentations. L’important est d’en tirer un enseignement pour nous également. Nous entendions avant cela deux autres lectures : une qui renvoyait à la fidélité de Noé, le juste, sur qui Dieu compta pour sauver les êtres vivants, salut dont l’arc-en-ciel est le signe. C’est le signe d’une nouvelle alliance où l’harmonie est rétablie, une victoire que dit aussi le baptême, faisait comprendre saint Paul, dans la seconde lecture, la reliant à la victoire de Jésus ressuscité.

Comment Jésus est vainqueur du mal ? Ce qui se passe au désert est le même combat que celui qu’il mène quand il libère les hommes tourmentés par des esprits mauvais, ou encore quand lui-même nous sauve par sa passion et sa résurrection. En détaillant et analysant les tentations, on pourrait se donner une illusion. Être assez malin pour avoir la réplique correcte face au tentateur. Illusion. Même si Jésus dit, comme le mentionne les autres évangiles, une parole de l’Ecriture pertinente, il faut encore dire la force même de ce qu’elle est comme parole venant de Dieu, la manière dont lui, Jésus, a foi en son Père. Cela veut dire que si nous sommes tentés dans notre vie, il ne faut pas croire se sauver soi-même par les belles idées que nous pourrions trouver pour contrer les idées d’un conseiller pernicieux, d’un tentateur. Les envies, les passions, les jalousies, ce qui nous sépare de Dieu n’a rien de rationnel, de réfléchi. Les tentations qui nous tombent dessus viennent de limites inhérentes à la condition humaine. La vie nous confronte à l’incertitude du lendemain, aux autres qui peuvent être alliés ou concurrents, qui peuvent être pleins d’une attention qui nous porte ou bien d’une indifférence qui nous meurtrit. Comment réagissons-nous ? Cela dépend de ce qui nous passe par le cœur, et l’évangile, en disant la victoire de Jésus, signale une victoire de la paix, de l’harmonie, au-delà de ce qui avait pu provoquer un déluge.

La présence de Dieu, la force de son Esprit peut nous libérer. L’Évangile fait rejoindre la résurrection, la victoire mais il y a des rayons de cette victoire qui irradie chaque chapitre et celui-ci aussi. Jésus, vainqueur du mal, annonce déjà le matin de Pâques, la paix dans le désert avec les bêtes sauvages dit déjà un nouveau règne et Jésus l’annonce, c’est le royaume de Dieu qui se fait proche et il faut l’accueillir en se convertissant.

En ce temps de carême portons-nous les uns les autres dans les épreuves qui nous arrivent. Elles peuvent être aussi tentation, si nous sentons que nous lâchons la main que Dieu nous tend : c’est-à-dire si nous en oublions que Dieu, par son amour, se tient à nos côtés. Les épreuves font partie de la vie, et les tentations s’ajoutent pour dire ce que nous en faisons : plus loin de Dieu en pensant que c’est lui qui nous défie, qu’il n’est pas tant notre allié que cela, ou bien à l’inverse, dans la foi, en tenant bon, en recevant de lui force et soutien.

Le temps du carême, c’est l’occasion de nous offrir quelques marges de manœuvres pour mieux voir ce qui mène notre vie. Bien compris, ce serait comme des tentations en positif. Quand le tentateur nous ferait nous ruer sur la nourriture sans penser aux autres, ou nous vautrer dans la paresse ou la négligence, les exercices qui peuvent faire partie de notre carême, c’est une attention au partage par le jeûne, c’est un esprit éveillé à ce que nous pourrions faire de plus, le temps que nous pourrions disposer autrement pour mieux l’offrir et même y trouver de la paix. Remplissons notre carême de « tentations » de bien faire.

On pourrait imaginer un tentateur ricaner, en même temps que nous serions en train de nous faire un petit plaisir sans lendemain car le lendemain nous déchanterions quand des liens d’amitié, de solidarité par exemple se seraient distendus. Mais avec le carême, nous pouvons imaginer des rencontres plus joyeuses, des solidarités devenues plus fortes. L’évangile, recevons-le comme cette force qui nous fera vivre ces exercices parce que nous pourrons vivre cela déjà maintenant, avec Jésus, ressuscité. Je parle d’exercices : oui, parce que c’est comme un entraînement à la vie de disciples du ressuscité. Et à Pâques, nous retrouverons une force nouvelle : remerciant le Seigneur pour ce qu’il nous a déjà fait goûter des fruits de sa présence. En effet, sa résurrection aura trouvé dans nos vies le chemin pour venir renouveler tout ce qui peut l’être.

Homélie du 14 février 2021

Lectures

La première lecture est tirée du Lévitique. Ce livre remonte à une époque où, estimant important de faire valoir l’alliance de Dieu avec son peuple, un rôle important était joué par les prêtres pour des rituels de pureté. Ce qui donnera de grands débats, plus tard, entre Jésus et les spécialistes de la Loi.  La première lecture de ce dimanche introduit l’évangile qui rapporte un cas de guérison de la lèpre par Jésus. Nous ne pouvons pas comprendre l’importance de ce miracle si nous ne connaissons pas le contexte dans lequel Jésus a agi : car les prescriptions de la loi du Lévitique concernant les lépreux étaient encore en vigueur de son temps.
Ces prescriptions nous paraissent rudes : quand on a le malheur d’être malade, c’est évidemment une souffrance supplémentaire d’être un exclu. Or c’était très strict ; dès que quelqu’un présentait des signes d’une maladie de peau évolutive du type de la lèpre, il devait aussitôt se présenter au prêtre qui procédait à un examen en règle et qui décidait s’il fallait déclarer cette personne impure ; la déclaration d’impureté était une véritable mise à l’écart de toute vie religieuse, et donc à l’époque, de toute vie sociale. Ainsi exclu de la communauté des vivants, le lépreux lui-même portait son propre deuil (vêtements déchirés, cheveux en désordre).

Quand le malade pouvait se considérer comme guéri, il se présentait de nouveau devant le prêtre, lequel procédait à un deuxième examen très approfondi et déclarait la guérison et donc le retour à l’état de pureté et à la vie normale. Vu la manière dont la lèpre est contagieuse, la sagesse imposait donc la prudence pour préserver le reste de la population. Il en allait de l’intérêt collectif.

Ce que l’on vit pour l’instant, toute les mesures sanitaires, les mises en quarantaines relèvent du même principe de précaution.
Par ailleurs, spontanément on pensait dans le peuple de l’alliance que la maladie est toujours la conséquence d’un péché. Car Dieu est juste, mais une conception pour ainsi dire arithmétique de la justice : les hommes bons sont récompensés à proportion de leurs mérites et les méchants sont punis selon une juste évaluation de leurs péchés. Cette loi que l’on appelle parfois la « logique de rétribution » ne souffrait, pensait-on, aucune exception. Au point que, devant une personne malade, on déduisait automatiquement qu’elle avait péché. Il y avait donc, là encore, une autre contagion à éviter. C’est pour cela, d’ailleurs, que le lépreux devait s’adresser au prêtre (et non au médecin !) pour déclarer la maladie aussi bien que la guérison. 

L’évangile, pour être bien reçu demande qu’on soit au courant de ce qui était permis ou non, et pourquoi. D’ailleurs, Jésus aura, dans l’évangile de Marc, toute une polémique à propos des prescriptions qui concernent la pureté, qui enferment, on l’a compris, dans une logique d’exclusion, de condamnation. Ainsi, quand Jésus et ce lépreux passent à proximité l’un de l’autre, ils doivent à tout prix s’éviter ; ce qui veut dire aussi, et qui est terrifiant, si on y réfléchit, que, du temps de Jésus, on pouvait être un exclu au nom même de Dieu.
Le lépreux n’aurait donc jamais dû oser approcher Jésus et Jésus n’aurait jamais dû toucher le lépreux : l’un et l’autre ont transgressé l’exclusion traditionnelle, et c’est de cette double audace que le miracle a pu naître. Voilà une Bonne Nouvelle qui n’aura jamais été racontée si la loi n’avait pas été transgressée. Cela donne à réfléchir : la Bible dit la loi telle qu’elle s’est présentée, tout n’y est pas dit  et il faut discerner pour se mettre dans l’esprit de la Loi. La loi a ses limites, quand elle semble plutôt suppléer à l’impuissance des hommes, comme devant la maladie. Jésus vient pour accomplir la loi, pour y inscrire la toute-puissance de l’amour. C’est tout différent : c’est vraiment dire comment, pour être fidèle à Dieu, la loi ne peut pas masquer la reconnaissance d’un être aimé par Dieu. Jésus nous le révèle. C’est un chemin qu’il nous dresse là pour voir l’importance des précautions eu égard à ce que demande l’amour de toute personne. C’est une manière de parler du Royaume qu’il est venu inaugurer. Oui, il y a encore une loi, mais elle ne peut être appliquée qu’en tenant compte de la miséricorde de Dieu, parce que sa loi, le livre du Lévitique le disait déjà, c’est d’imiter sa miséricorde, sa bienveillance. La description du monde nouveau dans lequel « les lépreux sont purifiés » est vraiment une « Bonne Nouvelle » pour les pauvres : non seulement les malades et autres lépreux sont guéris, mais ils sont « purifiés » au sens de « amis de Dieu ».
Ce qui veut dire que si l’on veut ressembler à Dieu, être comme le Dieu qui « entend la plainte des captifs et libère ceux qui doivent mourir » (Ps 101/102), il ne faut exclure personne, mais bien au contraire, se faire proche de tous. Ressembler au Dieu saint, ce n’est pas éviter le contact avec les autres, quels qu’ils soient, c’est développer nos capacités d’amour. C’est très exactement l’attitude de Jésus ici, vis-à-vis du lépreux. 

Homélie 5ème dimanche ordinaire

Lectures du jour

Marc décrit une longue journée de Jésus. Nous nous souvenons qu’il avait guéri un homme tourmenté par un esprit impur le jour de Sabbat. Il est sans doute resté assez longtemps à la synagogue et le voilà de retour à la maison de Pierre. La belle-mère de Pierre a de la fièvre. On pourrait se demander pourquoi on raconte une petite guérison. Non pas une guérison marquante comme guérir un paralytique, un sourd ou un aveugle. Juste guérir de la fièvre : on lui dirait bien : laisse réagir le corps, laisse faire l’immunité. Pourquoi cette guérison ? C’est qu’elle semble porter un message : elle semblerait bien l’image, le sens de quelque chose d’autre. La belle-mère habitée par une brûlure, par un feu dévorant : dans les mentalités anciennes, l’image était assez parlante pour dire qu’on s’était égaré de Dieu. Car certains textes de la Bible en parlaient ainsi de la fièvre comme d’une punition. C’est sûr, qu’avec Jésus, on sait que Dieu est celui qui guérit, il est celui qui prend soin et fait vivre. Jésus nous le dit par cette guérison. Cela ne signifie pas que la fièvre et les autres maux seraient le résultat de nos manques de foi. Mais c’est encore un signe que Jésus est non seulement guérisseur mais aussi sauveur pour quelque chose de plus profond. Et cela, l’Évangile veut nous le faire comprendre.

On amène à Jésus toutes sortes de malades. Cela se passe après le coucher du soleil. 

Sans doute à cause d’une précaution, c’était le soir d’un sabbat : il fallait attendre le coucher du soleil pour s’activer, pour déplacer les malades. On nous parle, aussi comme dimanche passé, de démons et de l’autorité de Jésus qui parvient à les expulser. Qu’il y ait des esprits mauvais, certains diraient : « non, cela n’existe pas » pour ne pas en avoir fait l’expérience eux-mêmes. Ou bien ils rapporteraient cela à ce qu’on peut en expliquer aujourd’hui avec l’évolution des connaissances. Mais il est question d’autre chose, un peu comme avec la fièvre. Jésus n’est pas venu comme thérapeute, pour prendre un mot qui dirait la guérison pour les blessures psychiques qui font dégénérer une vie. Les démons, nous dit l’évangile, savaient qui Jésus était.

Marc veut nous faire comprendre que Jésus en est vainqueur, que les démons s’avouent vaincus. Sur ce plan mystérieux, la victoire de Jésus est comparable aux guérisons qui se produisent dans une médecine qui balbutie encore. Mais plus important, même si on dit à Jésus : tout le monde te cherche. Il fait comprendre qu’il n’est pas avant tout guérisseur ou précurseur en matière de psychiatrie. Il doit annoncer la Bonne Nouvelle. Rappelons-nous ses premières paroles : convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle ; le règne de Dieu est proche. C’est la conversion des cœurs qu’ils visent, même à travers les gestes que sont les guérisons et autres libérations du mal

Voilà l’évangile : il est écrit pour que nous cherchions Jésus et le trouvions sur un chemin de foi. Ce chemin, il n’est pas que regarder dans les écritures, même si c’est important d’aller entendre aussi la supplication du brave Job, frappé par le malheur mais qui reste fidèle dans la foi. Le bonheur semble le dédaigner mais il reste fidèle. Cela vaut aussi la peine d’entendre Paul faire écho à ce que Jésus disait quand il désirait annoncer la Bonne Nouvelle. L’évangile, c’est bien le trésor que Paul veut passer sa vie à annoncer. Ce chemin de foi, faisons-le avec ce que nous traversons dans nos vies.

La maladie, la pandémie, les esprits qui s’échauffent, les plaintes et les exaspérations qui mettent la pression dans cette période de crise, nous comprenons particulièrement bien tout cela en ce moment. Et nous ne recevrions pas l’Évangile et toute sa force si nous ne sentions pas qu’avec le soutien pour les guérisons de nos vies terrestres, Jésus ouvre aussi l’espérance du royaume des Cieux. Quand nous prions le Notre Père, nous évoquons la venue de ce Règne sans doute bien différemment de ce que faisaient les Juifs de l’époque de Jésus quand ils parlaient du règne de Dieu. C’est pourtant important car il s’agit là d’accueillir du Seigneur un nouveau registre pour notre vie : il faudrait interroger Jésus sur sa prière le matin quand on le cherchait pour lui demander ce qu’il partageait avec son Père. Mais par l’Esprit de notre baptême, nous savons que c’est aussi écouter l’amour habiller nos rencontres de l’attention à l’autre, c’est laisser la charité redéfinir nos priorités, c’est laisser la foi dire la richesse de moments de recueillement, des moments de louange que d’autres pourraient sembler futiles, c’est laisser l’espérance nous faire miser sur un engagement pour une humanité qui soit reflet du Dieu qui l’a faite. En fait, c’est laisser toute sa place à Dieu. Devant lui un feu dévorant mais si nous sommes avec lui, ce feu nous protège plus qu’il ne nous fait du tort, ce n’est pas la fièvre, c’est le remède.