4ème dimanche ordinaire année B, 31 janvier 2021

Lectures

Pour mieux entendre cet évangile, je m’imagine avec vous, face à Jésus. Nous ferions alors l’expérience de cet enseignement prononcé, nous dit Marc, avec autorité. Comment parler avec justesse de ce que veut nous dire l’évangile aujourd’hui sans chercher à entendre toujours mieux comment Jésus nous parle ? Cherchons ensemble comment Jésus peut nous parler et ce que signifie cette autorité qui n’est pas celle des scribes, qui n’a rien d’un pouvoir ou d’un semblant d’autorité que beaucoup d’instances de pouvoir revêtent. Pour parler de cet enseignement, il faudrait retrouver ce que dit Jésus. L’autorité de Jésus se montre aussi dans la manière dont il réplique aux esprits impurs. Son autorité est dans la force avec laquelle Jésus va libérer un homme tourmenté par un tel esprit, dans la synagogue de Capharnaüm.

Il ne faut pas confondre l’autorité avec une force de domination. L’adhésion que nous pouvons avoir aux paroles de Jésus a la force d’une communion et il faut la distinguer de toute contrainte. On peut imaginer dans des groupes de natures différentes ce qui domine et distinguer cette force de l’autorité de Jésus. Dans la vie animale, souvent, on repère comment un individu domine par sa force, par une place de leader qu’il a prise.

Yeux, Nez, Cil, Peau, Un Petit Homme

Normalement, il n’en va pas de même chez les hommes. L’autorité des parents est souvent pleine d’amour mais ce n’est pas si simple. Et pour les sociétés ? Depuis que des esprits soit-disant éclairés ont réfléchi à la politique dans l’expérience des peuples qui s’entre-déchirent, l’autorité a été mise bien souvent entre parenthèses pour y préférer une force à laquelle on fait confiance ou dont on se méfie dans une opposition. Donc pour chercher la sécurité, on se méfie du plus fort plutôt que chercher la confiance qui établit la place de chacun. Prenez aussi les systèmes économiques où est censé régner la liberté. Arrive la concurrence qui doit régner : cela favorise la force de celui qui a les dents les plus longues. La force n’est plus alors celle de la coopération, d’un esprit de partage. Cherchons aujourd’hui la présence de Jésus, sa parole qui invite à la communion. Jésus demande notre foi et nous serons critiques par rapport à ce qui s’impose dans notre monde. Jésus et son évangile nous font reconnaître l’autorité quand elle est soucieuse de donner la place à tous, quand elle veut, comme le sens véritable d’autorité le dit, faire grandir l’autre.

La guérison, la délivrance de l’homme de la synagogue le dit d’une façon imagée mais très juste et suggestive. Cet homme était tourmenté par un esprit impur. Si on parle du bien contre le mal, aujourd’hui, même dans une mentalité qui veut tout analyser, on ne remonte pas souvent à la racine, aux manques d’amour, aux cœurs enchaînés parce que l’amour ne peut y prendre sa place pour faire vivre. On aurait tort de reléguer le cas de cet homme comme une pathologie pour la psychiatrie encore à naître. Jésus est celui qui va renouveler complètement ce que voulaient dire ces jugements d’impureté qu’on se jetait à la tête avec violence. Dans la mentalité où l’impur excluait de l’intimité de Dieu, imaginons la force de Jésus qui a l’autorité pour établir un cœur dans l’intimité de Dieu. Cette force qui vient de Dieu, c’est la force du pardon. Jésus inquiétera ceux qui verront en lui une prétention à se faire l’égal de Dieu. Pour notre mentalité sécularisée, Jésus ouvre une dimension que l’on oublie, celle du spirituel enchaîné par un esprit de concurrence, le spirituel appauvri par un esprit qui enferme l’humain dans la recherche d’une domination pour être fort. Jésus ouvre un chemin, celui de la sagesse et de la foi : redécouvrons sur ce chemin la force de l’amour, grandissons dans la foi en l’amour de Dieu.

Il y a des personnes que l’on écoute parce qu’elles rayonnent de paix ou parce que leur respect de vous, l’attention qu’elles ont pour chacun construisent des relations vraies et profondes. Je pose une question : ne sommes-nous pas contrariés bien souvent par un esprit impur qui nous empêche cet idéal auquel la présence de Jésus nous donne accès : à la sagesse de l’Esprit ? Alors que le Seigneur pourrait nous faire partager des richesses spirituelles. Le Seigneur nous ferait reconnaître vraiment les personnes en les aimant, en les comprenant. Jésus nous invite à l’accueillir dans notre vie en priant : prier, c’est dire avec tout notre être à Jésus : « tu es le saint de Dieu » pour ne pas que quelque chose d’étranger, comme cet esprit impur qui a reconnu Jésus, nous empêche de le dire.

La prière fait de nous des bâtisseurs d’une fraternité solide parce que c’est Dieu qui la fonde. On peut parler de fraternité mais si cela se limite à sentir un peu de gentillesse ou de la sympathie, il manquerait ce qui la pose sur son vrai fondement. Il y a comme un esprit impur, comme un esprit malin, une méfiance, des possibles rivalités, un esprit de jugement qui peuvent souvent envenimer notre présence les uns aux autres. Cherchons la sagesse des enfants de Dieu. L’autorité de Jésus, c’est de nous faire entrer dans cette sagesse, de nous faire accueillir, par l’Esprit Saint, les autres comme des frères et des sœurs aimés de Dieu. Cherchons cette sagesse et notre vie toute entière annoncera un monde nouveau, elle dira la présence de Dieu, son amour et sa victoire sur tout ce qui empêche de vivre plus unis.

3ème dimanche ordinaire B (24 janvier 2021)

Lectures du jour

Changement, Conseil, Porte, Nouveau Départ, Risque

En relisant la première lecture, nous pouvions nous demander où devait aller notre attention, essayant de nous imaginer en Jonas, à propos de son appel, de ses réactions. Je pense qu’on peut aussi s’imaginer du côté des Ninivites, appelés par Jonas à la conversion. Il est vrai que si nous nous rappelons l’histoire de Jonas, son cœur souvent contrarié quand le Seigneur l’appelle, il sera aussi le miroir de certaines de nos contrariétés, on va le voir. Attendons-nous alors qu’on trouve dans l’appel que Jésus, au début de sa mission, lancera à ses disciples, de quoi renouveler chacune de nos réponses au Seigneur.

Lève-toi et va vers Ninive ! Voilà Jonas, qu’on connaît en Israël comme prophète, appelé pour aller prêcher la conversion. Surprise pour lui : il n’est pas envoyé vers le petit peuple d’Israël, ce peuple élu qui se souvient souvent mais pas toujours de l’alliance avec le Seigneur. Jonas doit plutôt aller vers la grande ville de Ninive, vers des païens. Jonas ne doit pas vraiment comprendre. Il imagine que si Ninive se convertit vraiment, si Dieu lui est alors favorable, Ninive deviendrait alors plus puissante qu’Israël. Dieu se moquerait-il de Jonas en l’envoyant demander une conversion qui pourrait remettre tellement de choses en question ? Jonas refusera d’abord mais de nombreuses péripéties l’amèneront à sa mission de prophète pour Ninive : il marchera dans les rues de Ninive pour demander la conversion.

En voyant aujourd’hui la place des chrétiens dans le monde occidental, en estimant quelle place la référence à Dieu et à la foi peut avoir dans le cours des affaires du monde, on serait vite comme Jonas. Le Seigneur nous appelle, mais nous nous ne comprenons pas s’il nous demande de changer le cœur des capitalistes endurcis dans leurs principes, nous risquerions de paraître bien peu de choses face aux grands de la finance ou face à tous ceux qui, quoiqu’ils en disent se laissent conduire comme des moutons, par tout ce que la société de consommation nous fait croire pour arriver à ses fins. Que leur dire, alors que nous nous faisons aussi tellement avoir.

Plutôt que de paraître ridicules, comme Jonas, partons où bon  nous semble, là où il nous semble que la parole du Seigneur serait mieux reçue. Prêcher à des convaincus ? Mais ce n’est pas ce que le Seigneur nous demandait. Ce n’est pas là l’histoire de Jonas, c’en serait une nouvelle version, mais cela dit qu’il y a une audace incroyable à avoir, dans la foi d’un prophète et des prophètes que nous sommes ou pourrions être.

La conversion, le fruit d’un témoignage, ne dépend pas que de nous. Soyons sûrs que c’est le Seigneur qui attend la conversion et qui y travaille plus que la pertinence ou le poids de nos propos, et ce sera plus juste. Mais cela demande déjà une véritable conversion. Dans l’histoire de Jonas, l’incroyable, l’inattendu s’est produit. Les gens de Ninive changent et se tournent vers Dieu. En fait, Jonas en est exaspéré. Mission accomplie malgré lui. Son cœur contrarié peut être miroir du nôtre dans différentes circonstances.

Nous croyons parfois viser ce qui est juste par notre bon sens. Le cours des choses qui pourtant, ne devrait pas échapper à Dieu, devrait nous donner raison ! Et bien non. Si le Seigneur nous prend comme prophètes, c’est que le bon sens, la sagesse ne mène pas le monde, et c’est pour cela qu’il faut nous tenir à l’écoute des appels du Seigneur, en revenant sans cesse à un message Dieu est miséricorde, il est miséricorde, pardon, pour tous.

L’histoire est faite trop souvent de cruautés, d’accidents par rapport à la normale, de choses qui ne devraient pas avoir lieu. L’histoire sainte, l’histoire de l’alliance de Dieu avec les hommes, est faite de ce qui console, de ce qui relève, de ce qui rend forts après des chutes. Voilà la Bonne Nouvelle à annoncer. Après avoir parlé de Jonas et de son cœur mitigé alors que les gens de Ninive vont se convertir, tournons-nous vers Jésus qui est en personne ce message de miséricorde de Dieu adressé à tous. Les temps ne sont pas meilleurs, il y a toujours une ville de Ninive à convertir, il y a l’empire romain qui empoisonne le peuple juif, il y a des païens qui vivent sans s’inquiéter de ce que Dieu attendrait d’eux. Ce n’est pas mieux mais pour celui qui veut annoncer l’amour de Dieu, l’appel à lancer n’attend pas. Les temps sont accomplis. Traduisons, comprenons ce que cela veut dire. Il y a non seulement urgence parce que la situation ne doit plus se dégrader, mais il y a surtout la présence de Dieu, Dieu est là maintenant, toujours à l’œuvre pour que son amour fasse des merveilles, relève des humbles, réconforte les cœurs blessés.

En contraste à la figure de Jonas, il y a les premiers disciples : l’attitude de Simon et André, de Jacques et de Jean traduit par des faits qu’il ne faut pas attendre, que Jésus est celui qui vient sauver, qui vient repêcher ceux qui ont besoin d’une deuxième chance. Je parle de repêcher, je parle de deuxième chance, ce n’est pas dans l’évangile. Dans un monde en crise, dans des crises comme celle que nous vivons avec la pandémie, dans l’oubli de l’intériorité, dans l’indifférence de beaucoup aux grandes questions de société qui les impliqueraient davantage, une mission comme prophète pour aujourd’hui, ne serait-elle pas repêcher ceux vers qui le Seigneur nous envoie, en tout cas.

Plutôt que de répéter, de se complaire à dire avec les gens, comme une voix anonyme, tout est foutu, la situation est grave et désespérée, le Seigneur compte sur nous pour que la force de l’espérance soit active. Il compte sur notre voix qui pourrait faire résonner la sienne. L’espérance,  c’est autre chose que les calculs, les travaux de recherche pour trouver des solutions techniques : solutions médicales ici, solution financières ailleurs. Initiatives citoyennes au nez des politiciens enfermés dans un fonctionnement institutionnel trop déshumanisé ailleurs. Il faut encore autre chose. Jonas malgré lui, les premiers apôtres, Simon, André, Jacques et Jean, sans attendre, nous le disent. Dieu est présent, le temps où il fait grâce est là, répondons lui et allant plus loin sur le chemin de notre conversion, que notre vie soit un signe pour faire grandir la foi autour de nous, et l’Esprit divin, le Souffle que Dieu nous donne, portera du fruit.

Voeux du doyen

Quand j’entends les mots « Meilleurs vœux » d’une personne que j’aime
C’est dans son cœur que je lis qu’elle me souhaite le meilleur.
Mais le mot « vœux » déjà imprimé sur une carte à envoyer
me fait me demander dans quel répertoire il a été repris

Car il y a des vœux que les jeunes filles en mal d’amour
font en jetant une pièce dans telle ou telle fontaine ;
Il y a des vœux qui interrogent le sort quand une étoile filante
pourrait annoncer je ne sais quelle prospérité.

Par notre baptême, nous sommes prophètes
et si comme prophètes nous faisons des vœux,
Ils seraient d’un style à dire l’espérance
plus qu’à conjurer la chance.
Et comme l’évangile, où Jésus réalise les promesses,
Ce serait cueillir aujourd’hui le bonheur
qu’on croyait encore attendre demain.

Jésus n’a pas souhaité le bonheur,
Mais il a dit, même et surtout aux pauvres :
Bienheureux, heureux êtes-vous !
Pour l’essentiel, celui qui cherche à mieux aimer sera comblé.

Cela me fait changer de collimateur
pour dire ce que je veux viser
avec les vœux que je vous présente.

Ce que je vise en ce début d’année,
c’est une richesse déjà offerte, déjà à partager :
Savoir que le Seigneur nous rassemble
Qu’il tisse entre nous une communion,
des liens que notre prière peut mieux recevoir
et faire s’exprimer dans notre vie.

Mes vœux en ce mois de janvier,
c’est aussi mon engagement à prier pour vous,
sûr que notre prière commune sera ferment de la vie
de la communauté que nous formerons.

Rendons grâce au Seigneur, déjà, de nous rassembler
dans une prière commune, louons-le
parce que son Esprit y travaille.
Encouragerons-nous ainsi à mieux accueillir le Seigneur,
à mieux entendre de lui la Bonne Nouvelle,
à mieux le laisser nous bénir par ses béatitudes,
à mieux en être les témoins les uns pour les autres.

2ème dimanche année B

Lectures du jour

Venez et vous verrez !
Voilà une des paroles de Jésus qu’on pourrait retenir de l’évangile d’aujourd’hui.
C’est une bonne nouvelle. Si, c’est un message important.
Mais, mais, il faut que je me bouge, je croyais que j’aurais appris quelque chose en écoutant.
Et puis, j’ai l’impression que je ne verrai rien du tout, voir où en fait ?  Ah, je perçois que les disciples me mettent déjà en route. Avec eux, je me demande : Mais, Jésus, où demeures-tu ? On me dit si souvent « Jésus est présent » Où, comment, pourquoi, comment on peut le savoir, le deviner, le sentir ? Dites-moi…

C’est déjà tout un chemin de dire, de tout son être, de tout son cœur : « Jésus, mon maître et mon Seigneur, où demeures-tu ? » Nous voilà un peu comme le jeune Samuel. Il croyait entendre la voix du prêtre Eli alors que c’ était Dieu qui l’appelait. La voix ne doit pas être la même, c’est moins banal, c’est tout à fait autre chose, pour celui qui ne s’y attend pas, de s’entendre appeler par le Seigneur. Eli, plein de sagesse, lui conseillera de dire pour le mettre dans l’attitude de disponibilité qui convient : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute. »

Nous revoilà, nous aussi, à avoir éveillé en nous comme une autre vie, en nous mettant dans la recherche du Seigneur, à le chercher, à lui demander, sûr qu’il nous entend :  « Maître, où demeures-tu ? »

Pensez-vous que ce soit une parenthèse dans notre vie de croire qu’il faut écouter le Seigneur ? Ce que nous partageons à propos d’un texte d’Évangile vous paraît-il une richesse à faire valoir dans la vie de tous les jours, dans les jours particuliers d’une crise comme celle que nous vivons, dans les jours particuliers où nous devons faire des choix importants ?

Oui, et à plus d’un titre. D’abord en nous demandant à qui nous donnerions le titre de « maître » : Peut-être à nous ? Mine de rien ! Oui, peut-être assez sûrs de nous, nous resterions enfermés dans nos certitudes, la question filtrerait ceux qui peuvent nous enrichir, qui peuvent élargir nos horizons. Et attention à tous ceux qui veulent avoir notre sympathie en nous faisant miroiter que nous sommes assez malins pour ne plus penser que par nous-mêmes : c’est un piège.

Nous donnerions ce titre de maître, sans le dire comme tel, à ce mélange d’opinion où ça et là, il y a quelqu’un de plus convainquant, un message qui passe mieux, une meilleure qualité de communication. Mais que dit-il ? Ce que nous avons envie d’entendre, ce qui nous fait plaisir, ou bien une interpellation qui nous fait sortir d’une vie qui ferait vite l’économie de certaines exigences ? 

Sortir de ces pièges, de ces illusions de facilité, voilà l’objet de cette question que nous voulons poser avec les disciples qui suivaient Jésus : « Où demeures-tu ? »

Posons la question à Jésus, posons-la lui aussi quand une personne, une situation semblent pouvoir nous faire progresser vers un plus, pouvoir nous faire atteindre ce qui serait comme un lieu source : source d’amour, source de paix, source de pardon, source de sagesse. Non pas une destination où nous ne bougerions plus. Car il s’agit là aussi d’être renouvelé pour vivre encore plus. L’Évangile abonde en verbes : croire, voir, venir, demeurer, aimer : des verbes, c’est-à-dire dire un agir, parler de ce que Dieu et l’Esprit peuvent faire en nous, faire saisir un lien avec la vie en plénitude que Dieu veut nous communiquer.

A propos du verbe « demeurer »Un peu vite, peut-être, on pourrait ressortir de notre mémoire une phrase comme : « Celui qui aime demeure en Dieu et Dieu demeure en lui. » C’est extrait d’une épître de Jean. Très juste, mais avant de le dire, il faut en faire l’expérience. Il faut se lancer, aller au maître pour être celui-là qui l’a suivi sur le chemin de l’amour, qui est celui-là qui demeure ou qui essaie de plus en plus de demeurer dans l’amour.

Avant de le dire, il y a comme un sommeil qu’il faut quitter, à la manière du jeune Samuel pour faire de la mission confiée par le Seigneur, une priorité et une constante dans notre vie.

Oui, Jésus demeure certainement là où il y a de l’amour : prenons la peine pour comprendre : on trouvera Jésus si on se bouge pour les autres. Nous trouverons Jésus et il nous enrichira de son amour si nous osons dire que nous avons besoin de mieux aimer en nous laissant enseigner par sa sagesse. Ayons pour cela un désir constant de le rencontrer dans toutes ces attitudes où nous viserons à faire que notre prochain vive plus et mieux.                                                                            

Homélie Baptême du Christ

Jésus, en remontant des eaux, vit les cieux se déchirer, nous dit Marc.

L’image est impressionnante. Déchirer, c’est l’idée de quelque chose de fort, qui permet à quelque chose de caché de se montrer : c’est marquant. S’il s’agit des cieux, soyons en sûr, nul phénomène météorologique ici. Mais de quoi faire signe :  Dieu se manifeste.
Un message tout de suite décodé pour qui connaissait les paroles des prophètes. Un événement attendu en effet, par le peuple de Dieu qui y retrouvait la réponse à une parole d’Isaïe, interpellation adressée au Seigneur. Nous sommes ton peuple : « Ah, si tu déchirais les cieux et descendais ! »

Et bien Dieu est descendu. Jésus est venu sur terre pour nous accompagner sur nos routes terrestres. Les cieux se déchirent au jour de son baptême pour faire entendre la voix du Père. Il dit tout l’amour qu’il a mis en son Fils. Il nous le dévoile : c’est le Père lui-même qui nous présente Jésus.

Et ensuite…vous pourriez demander ce que cela change !

Prenons la lecture du prophète Isaïe d’abord, et relue en pensant au baptême de Jésus, cette venue dans le monde du Fils de Dieu nous parle. Isaïe annonce une richesse, une générosité. Vous tous qui avez soif, commençait par dire la prophétie. J’imagine l’eau que présente le Seigneur, des flots abondants. J’imagine en comparaison, les eaux du Jourdain : elles en sont encore une pâle figure. Une image pour parler de ce qui vient du cœur de Dieu, sa bonté. Mais avec Jésus on passe de l’image à la réalité de cet amour qui se dira en actes.

Sans qu’on ne le mérite, sans qu’on ne doive rien payer, venez manger et boire. Celui qui reconnaît qui est Jésus retrouve cette bonté en lui : elle se réalise en lui. Ce texte d’Isaïe dit la richesse de ce qui vient de Dieu, avec l’image de la nourriture, de ce qui fait la joie et la force. Dieu nous fait comprendre la gratuité de l’amour. Pas d’offrande ou de sacrifice pour que Dieu soit favorable. Dieu se laisse trouver, il se montre dans sa bonté, il déchire les cieux pour nous le dire. Ce que cela change. Avouons combien nous sommes souvent entrain de calculer ce qu’il nous faut, ce que nous avons, ce dont nous devons disposer. Venez boire et manger sans rien dépenser, invite le prophète. Traduisons. La vie est un don, et il y a à redécouvrir toute la richesse de la relation avec celui qui nous la donne. Posons-nous la question de cette relation que la recevoir nourrit sans cesse. Se reconnaître enfant de Dieu est une manière d’accueillir davantage ce don, car c’est un amour qui invite à répondre en aimant.

Bien des phrases de la deuxième lecture demanderaient réflexion. Une de ces phrases fait miroiter un salut, une victoire mais il faut préciser. Celui qui croit en Jésus Christ est vainqueur du monde. Le monde ? Qu’est-ce à dire ? Si on imagine les premières communautés chrétiennes, on imagine l’empire romain, les contraintes d’une domination par un pouvoir qui n’entend rien à l’esprit religieux. Difficile dialogue avec ceux qui suivent la Torah des Juifs, d’abord, et encore plus difficile si on fait valoir la nouveauté radicale dont témoignent les disciples de Jésus : ils disent, chose incroyable, que leur maître est ressuscité. Que d’oppositions en perspective.

Et le monde pour nous ? Si on sent le contexte d’un combat, on en vient vite à mettre derrière ce mot de « monde » un système qui écrase, dans lequel on se sent comme un maillon obligé de suivre le mouvement maintenu par de multiples chaînes. Si on fait une critique de notre société, serions-nous vainqueurs par Jésus, vainqueurs de ce monde-là, critiquable, en crise aussi, qui montre souvent ses limites ? Nous serions dans l’erreur, cependant, de nous croire suffisamment à l’extérieur de ce monde, pour nous penser sans connivence avec ce monde-là. Ce serait trompeur de penser que la victoire de Jésus est simplement la victoire de se savoir bon par rapport aux autres qui ne le connaissent pas et qui alimentent et font perdurer un système injuste.

La foi est une attitude critique. La victoire de Jésus est une victoire qu’il mène en nous, par rapport à ce que des tendances injustes présentes dans les affaires humaines, peuvent avoir de contraire à nos aspirations les plus profondes. Notre Baptême, pour porter tous ces fruits, demande encore de s’en remettre au Seigneur, de le chercher, sûr qu’il se laisse trouver pour nous aider à vaincre en nous et autour de nous ce qui s’oppose à l’amour.

On ne peut pas dire « j’ai vaincu le monde » parce que l’on croit, comme si croire n’était qu’une idée. Repensons à cette image : « les cieux se déchirent. » Sans doute pour nous rappeler que les pensées de Dieu ne sont pas celles des hommes mais qu’elles se dévoilent, qu’elles se font connaître. Plus que seulement des pensées, en Jésus, qui est ce don du ciel venu dans la vie des hommes pour les soutenir dans les obstacles de leur vie terrestre, une force nouvelle se fait connaître. La foi, se laisser soutenir par cette force, est une manière d’être, c’est une liberté pour agir autrement, pour avoir un cœur plus entier tourné vers ce qui est juste et trouver la force dans cet engagement pour ce qui est bon.

En ce jour du Baptême du Christ, imaginons que le ciel continue à se déchirer, souvent, parce que Jésus est là quand nous rencontrons quelqu’un que le Père nous envoie comme notre prochain et que ce Père pour lui et nous l’éclaire de son amour pour lui, un amour qui engage le nôtre Oui, le Père nous montre son enfant quand c’est notre prochain qui se présente, quelqu’un dont nous oublions justement qu’il faut y être plus attentif. Il faut le reconnaître comme un enfant aimé du Père des cieux, il faut sans doute aussi en être le témoin pour lui. Ainsi, répondons au Seigneur qui se laisse trouver dans l’amour partagé où il nous appelle et nous rejoint.